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Erdogan ne fait pas de différence entre Daesh et les signataires du manifeste contre l'antisémitisme

Le président turc Recep Erdogan s'est emporté contre le «manifeste des 300» sur l'antisémitisme en France, le qualifiant d'«ignoble». Le président turc et l'un de ses ministres comparent même les signataires du texte à Daesh.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a étrillé le 8 mai les quelque 300 personnalités françaises qui ont signé le mois dernier un retentissant manifeste «contre le nouvel antisémitisme» appelant notamment à rendre caducs certains passages du Coran.

«Nous voyons cela comme l'expression de leur ignorance», a lâché le président turc lors d'un discours à Ankara. «Il n'y a aucune différence entre vous et Daesh», a-t-il cinglé.

Dans le manifeste, publié le 22 avril dans le journal Le Parisien, 300 signataires, dont l'ex-président Nicolas Sarkozy et trois anciens chefs de gouvernement, dénoncent un «nouvel antisémitisme» en France marqué selon eux par la «radicalisation islamiste».

Ils réclament notamment que «les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques».

Ce manifeste, qui a aussi été signé par des intellectuels, des personnalités religieuses et des artistes comme Charles Aznavour ou Gérard Depardieu, a suscité une vive polémique en France et l'indignation de nombreux musulmans à travers le monde.

«Qui êtes-vous pour utiliser pareil langage ?», a tonné Recep Erdogan, qualifiant le manifeste d'«ignoble».

Ce texte était passé relativement inaperçu en Turquie depuis sa publication il y a plus de deux semaines, jusqu'à ce que les dirigeants turcs, qui font campagne pour des élections anticipées le 24 juin, ne l'exhument au cours du week-end.

La classe politique turque torpille le manifeste

En se posant en champion du combat contre l'«islamophobie», un rôle qu'il affectionne, Recep Tayyip Erdogan entraîne la bataille électorale sur un terrain sur lequel il est plus à l'aise que l'opposition laïque du Parti républicain du peuple (CHP).

Ce dernier a toutefois suivi le mouvement par l'intermédiaire de son secrétaire général, Kemal Kiliçdaroglu. «Ce n'est pas le Saint Coran, mais vous qui êtes arriérés», a-t-il lancé aux signataires du manifeste.

S'ils souhaitent attirer l'attention sur le génocide des juifs, alors il leur suffit de se retourner et d'observer leur propre histoire

Le président turc s'emporte régulièrement contre ce qu'il qualifie d'«islamophobie rampante» en Europe, affirmant que son gouvernement fait tout pour protéger la liberté et les lieux de culte en Turquie.

«Notre attitude devrait servir de leçon [...] aux politiciens islamophobes en Europe, en particulier à Sarkozy», a ajouté Recep Tayyip Erdogan, qui entretenait des rapports notoirement exécrables avec l'ancien chef de l'Etat français.

«Je me pose la question : les signataires de ce manifeste ont-ils lu leurs propres textes [sacrés] ?», a questionné le président turc. «Si c'était le cas, ils voudraient sans doute interdire le Nouveau Testament», a-t-il expliqué, sous-entendant qu'il comportait des passages antisémites.

«S'ils souhaitent attirer l'attention sur le génocide des juifs, alors il leur suffit de se retourner et d'observer leur propre histoire», a, de son côté, commenté le Premier ministre, Binali Yildirim. «Je condamne ces personnes méprisables qui attaquent le Coran», a-t-il poursuivi.

Ömer Çelik, membre du parti AKP de Recep Tayyip Erdogan a, quant à lui, accusé sur Twitter les signataires d'avoir une «idéologie barbare», y voyant lui aussi une «affinité idéologique avec Daesh».

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