D'après le ministère russe de la Défense, ce 28 mars, plus de 128 000 réfugiés au total ont pu quitter les territoires contrôlés par les rebelles dans la Ghouta, cette grande banlieue de Damas mi-agricole mi-urbaine. Dans le même temps, un recul des combattants antigouvernementaux a été constaté.
Le changement est flagrant. Fin février, les principaux groupes rebelles islamistes qui contrôlaient la Ghouta orientale (Jaich al-Islam, Faylaq al-Rahmane et Ahrar al-Cham) refusaient catégoriquement de laisser les civils quitter les zones de combat, dans un communiqué adressé au secrétaire général des Nations unies, avant le vote par le Conseil de sécurité de l'ONU sur une trêve. Usant d'une curieuse rhétorique, ces groupes armés faisaient valoir que, selon eux, une telle évacuation serait un «crime de guerre».
Mais en raison de l'offensive de l'armée syrienne entamée 18 février dernier, les groupes armés ont vu leurs positions dans la Ghouta considérablement affaiblies. Au nord de l'enclave, le groupe Jaïch al-Islam (Armée de l'Islam), retranché dans une poche, ne tient plus que le noyau urbain de Douma et ses abords. Dans cette zone, selon l'agence syrienne officielle Sana, plus de 3 260 personnes ont été évacuées le 25 mars. A noter que, dans le but d'accélérer la fin des combats, parmi ces réfugiés, on compte quelques 770 combattants djihadistes, qui ont, parfois avec eux, femmes et enfants.
Depuis la localité d'Harasta, à l'ouest de Douma, des combattants doivent désormais être acheminés en bus vers la province d'Idleb, toujours sous contrôle des forces antigouvernementales. La priorité du gouvernement syrien semble être de sécuriser une zone qui menace directement le centre de la capitale Damas, quitte à renforcer les rangs des rebelles dans le nord du pays.
Par ailleurs, un couloir humanitaire menant au camp d'al-Wafidine, a permis dans cette seule zone de Douma d'évacuer 25 755 personnes depuis le 28 février, d'après le Centre russe pour la réconciliation des parties.
Les groupes armés retranchés dans un dernier bastion
Après l'effondrement des rebelles djihadistes dans le sud de la Ghouta, l'armée syrienne devrait désormais se concentrer sur cette poche de Douma. «Toutes les forces engagées dans la Ghouta orientale se dirigent vers Douma en prévision d'une vaste opération militaire si les terroristes de Jaich al-Islam n'acceptent pas de rendre la ville et de partir», expliquait le quotidien pro-Damas al-Watan le 25 mars, citant une source militaire.
Dans un premier temps, le controversé Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) basé à Londres, avait assuré que les négociations devaient permettre le maintien à Douma de Jaïch al-Islam, qui a toujours martelé sa détermination à rester. Le groupe aurait proposé d'abandonner son «arsenal militaire», selon l'AFP, et d'accepter le déploiement de la police militaire russe (qui appuie l'opération militaire syrienne) en échange de l'assurance que l'armée syrienne ne pénètre pas à Douma.
Mais, afin de sécuriser cette zone depuis laquelle les rebelles effectuaient des tirs meurtriers vers Damas, Moscou réclamerait désormais le départ des rebelles, selon des sources des forces antigouvernementales citées par l'AFP. «Les Russes ne veulent pas à Douma un accord qui soit différent des autres secteurs de la Ghouta», aurait précisé l'une de ces sources.
Les familles espèrent voir l’heure de vérité se rapprocher
Les exactions des islamistes de la Ghouta orientale peu à peu mises au jour
Le brouillard de la guerre de l'information semble se lever sur l'enclave de la Ghouta, à mesure que des dizaines de milliers de civils fuient les groupes armés islamistes qui y étaient retranchés. Le Monde commence ainsi à évoquer ce 28 mars l'existence de prisons où les rebelles auraient enfermés, femmes, enfant et individus considérés comme «pro-régime»... dans des cages. «Les familles de ces prisonniers espèrent voir l’heure de vérité se rapprocher : des proches expriment sur les réseaux sociaux leur frêle espoir de retrouvailles, après des années d’impuissance. D’autres font le guet, fébrilement, aux abords de la Ghouta orientale, dans l’attente de voir réapparaître les détenus», rapporte la correspondante du Monde, depuis Beyrouth.
Autres témoignages des exactions commises par les islamistes de la Ghouta orientales : quelques jours plus tôt, les équipes de RT s'étaient rendues dans un poste de commandement repris à al-Nosra et y avaient appris que des «cheikhs» y avaient fait leur loi, torturant et décapitant les gens qui à leurs yeux avaient commis des fautes.
Alexandre Keller