Nouveaux rebondissements dans le «Selmayr gate», l’affaire du parachutage controversé de Martin Selmayr, chef de cabinet de Jean-Claude Juncker, au poste de secrétaire général de la Commission européenne. Alors que cette dernière a prétendu devant le Parlement avoir décidé de la nomination de Martin Selmayr pour parer à la démission surprise d'Alexander Italianer, il apparaît que cela est faux. Le parachutage serait un plan ourdi de longue date, depuis plusieurs mois, comme l’ont révélé nos confrères du quotidien belge Le Soir.
Alors que les soupçons accablent Bruxelles et que la fronde de nombreux eurodéputés a retenti contre cette nomination, la Commission de contrôle budgétaire (COCOBU) du Parlement européen a débuté son enquête le 16 mars pour déterminer si les règles du statut de la fonction publique européenne n’avaient pas été violées ou détournées. Une initiative qui a irrité le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, délaissé par son propre parti européen, le PPE (Parti populaire européen), auquel il a reproché son absence de soutien.
Selon des informations duPoint, il aurait menacé le 22 mars de démissionner si Martin Selmayr se voyait obligé de renoncer à son poste. Une attitude blâmée notamment par le député européen du groupe parlementaire socialiste et démocrate, Eric Andrieu.
Le commissaire européen au Budget et aux Ressources humaines Gunther Oettinger, en charge de l'administration, s'exprimera devant le Parlement le 27 mars dans une audition publique et tentera de justifier une situation qui, au fil des révélations, devient de plus en plus accablante pour la Commission.
Un plan bien préparé par Jean-Claude Juncker ?
Actuellement, les questions fusent sur le calendrier de la nomination Martin Selmayr. La COCOBU a posé une question à la Commission pour déterminer si Jean-Claude Juncker avait préparé la nomination de son bras droit depuis novembre 2017. La Commission a répondu : «Il n’est pas vrai que le président Juncker a fait une proposition à Monsieur Selmayr de devenir secrétaire général en novembre 2017. L’option pour Monsieur Selmayr de devenir secrétaire général n’est devenue concrète que le 20 février 2018», soit la veille de la démission d'Alexander Italianer.
Le Soir a pu établir la preuve de ce mensonge en interviewant le principal intéressé, Martin Selmayr, le 21 février, avant que la polémique n’éclate. Le nouveau commissaire général fraîchement élu avait alors confié au sujet du poste de secrétaire général : «Juncker m’a dit avant Noël qu’il allait falloir y aller, il m’a dit de réfléchir. J’ai su pendant le voyage de la présidence [bulgare] à Sofia [qui a eu lieu les 11 et 12 janvier], que cela allait arriver.»
Le 21 février, en une seule réunion, Martin Selmayr avait été nommé secrétaire général adjoint, et quelques minutes plus tard, secrétaire général, quand le titulaire du poste Alexander Italianer a annoncé son départ. Or, pour pouvoir devenir secrétaire général de la Commission européenne, il convient d’occuper le poste de secrétaire général adjoint de l'organe. Néanmoins selon le règlement, une vacance de poste comme celle-ci doit être rendue publique et ouverte aux candidatures.
En d'autres termes : se pose la question d'une collusion entre Martin Selmayr et Jean-Claude Juncker pour ces deux nominations éclairs.