Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a fait savoir le 13 mars que la Russie ne répondrait à l'ultimatum adressé par le Royaume-Uni que lorsqu'elle pourrait avoir accès à la substance chimique qui aurait été utilisée pour empoisonner l'ancien agent double russe Sergueï Skripal.
«La Russie est innocente et est prête à coopérer [à l'enquête] si la Grande-Bretagne remplit ses obligations internationales», a ajouté le chef de la diplomatie russe qui tenait une conférence de presse à Moscou.
Il a ensuite ajouté qu'une telle affaire devait être réglée par les canaux appropriés, faisant référence à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), dont la Russie et le Royaume-Uni font tous deux partie.
«Dès que les rumeurs sont apparues selon lesquelles l'empoisonnement de Skripal impliquait un agent produit en Russie, attisées par presque tous les dirigeants anglais, nous avons envoyé une demande officielle pour accéder à cette substance afin que nos experts puissent l'analyser en accord avec la Convention sur les armes chimiques», a expliqué Sergueï Lavrov, précisant que la requête n'avait pas reçu à cette heure de réponse.
Le ministre russe des Affaires étrangères a ensuite expliqué qu'en vertu des règles fixées par l'OIAC, la Grande-Bretagne était en droit d'envoyer une requête à la Russie relative à la substance et que Moscou devait répondre dans les 10 jours. Si une telle réponse n'était pas satisfaisante, Londres devrait alors déposer une plainte devant l'organisation.
Moscou a convoqué l'ambassadeur du Royaume-Uni en Russie, Laurie Bristow, alors que Londres avait auparavant fait de même avec l'ambassadeur russe.
Londres accuse, l'UE exprime sa «très grande préoccupation»
Le 12 mars, le Premier ministre britannique Theresa May avait affirmé qu'un agent chimique développé sous un programme secret soviétique, appelé Novitchok, avait été utilisé pour empoisonner Sergueï Skripal et sa fille Ioulia. Sans attendre d'autres développements de l'enquête, Theresa May avait donné 24h à la Russie pour se justifier, affirmant que dans le cas contraire, Londres considérerait que l'attaque avait été dirigée par le gouvernement russe.
L'Union européenne (UE), de son côté, s'est exprimée sur le sujet par la voix des vice-présidents de la Commission. «Il est de la plus haute importance que ceux qui sont responsables [...] voient très clairement qu'il y a une solidarité européenne – sans équivoque, inébranlable et très forte – de façon qu'ils soient vraiment punis pour ce qu'ils ont fait», a ainsi commenté le vice-président de la Commission Frans Timmermans, devant le Parlement européen à Strasbourg. Un autre vice-président de l'institution, le letton Valdis Dombrovskis, a fait part de sa «très grande préoccupation» à la suite de cette affaire et a également assuré Londres de la «solidarité européenne».
En outre, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a exprimé ce 13 mars, dans un entretien avec son homologue britannique Boris Johnson, «la solidarité de la France à l'égard du Royaume-Uni, allié stratégique de tout premier plan [de la France].»
«La tentative d'assassinat de deux ressortissants russes le 4 mars à Salisbury avec l'utilisation d'un agent neurotoxique de qualité militaire constitue une attaque totalement inacceptable», a également déclaré la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von der Mühll.
Moscou dénonce «un numéro de cirque»
Moscou a rejeté en bloc les accusations de Theresa May. «C'est un numéro de cirque devant le Parlement britannique», s'est indignée la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, citée par des agences de presse russes. Pour elle, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une «campagne politique fondée sur la provocation».
De son côté, Vladimir Djabarov, général des services de sécurité russes (FSB), a estimé dans une déclaration à l'AFP que l'empoisonnement de l'ancien agent double pourrait avoir été commis par le Royaume-Uni ou un pays tiers afin de «blâmer et noircir la Russie».
Plus tôt dans la journée du 12 mars, Vladimir Poutine, alors en déplacement dans la région russe de Krasnodar, avait répondu à un journaliste de la BBC qui l'avait questionné sur une potentielle responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement de Sergueï Skripal en déclarant : «Tirez les choses au clair de votre côté, et après nous en parlerons avec vous».