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Tariq Ramadan : réapparition des soupçons sur son cursus universitaire

Les premières contestations des titres universitaires de Tariq Ramadan remontent à quelques années. Aujourd’hui accusé de viol, Tariq Ramadan est scruté de toute part et son CV révélerait plusieurs usurpations de titres.

Voilà plusieurs années que les premières voix se sont fait entendre pour contester les titres prestigieux de Tariq Ramadan. Actuellement emprisonné après des accusations de viol, Tariq Ramadan est sous le feu des projecteurs et plusieurs révélations à propos de son CV refont surface. Des questions se posent notamment sur le statut de «professeur» au sujet duquel il communique abondamment depuis les années 2000.

Le journaliste du Point Ian Hamel avait déjà publié un livre-enquête, La vérité sur Tariq Ramadan, sa famille, ses réseaux, sa stratégie, aux éditions Favre, ainsi que plusieurs articles dans lesquels il révélait des informations concernant notamment le poste de professeur à l'université de Fribourg qu'aurait occupé Tariq Ramadan au début des années 2000.

Ces révélations ont suscité la colère du député Xavier Ganioz, vice-président du Parti socialiste fribourgeois, qui a demandé le 26 février à l'université de Fribourg de clarifier le statut au sein de l’établissement de Tariq Ramadan qui se targuait d’y être professeur. «L'accusation de "faux professeur" est lourde de sens. Elle impliquerait que notre université ait pu se faire berner sur le statut académique de Tariq Ramadan», note l’élu cité par Le Point en réaction au livre de Ian Hamel.

Réaction de l'université : le rectorat de Fribourg assure que Tariq Ramadan n'était ni professeur, ni assistant à l'université. Il avait seulement proposé bénévolement, une heure par semaine, de présenter un exposé sur l'islam. «L'université de Fribourg n'est pas responsable des titres académiques qui ont été attribués à M. Ramadan après son départ en 2004», ajoute le rectorat. Pourtant, en 2005, après avoir publié un article dans Le Monde, l'intéressé signait sans ciller : «professeur de philosophie et d'islamologie à l'université de Fribourg».

Une chaire universitaire financée par le Qatar

Une supposée usurpation qui aurait pu servir de tremplin à Tariq Ramadan pour obtenir un titre plus prestigieux dans une autre institution. Sur son site internet actuel, il est écrit que Tariq Ramadan est «Professeur d’Etudes islamiques contemporaines à l’université d’Oxford (Oriental Institute, St Antony’s College) et enseigne également à la Faculté de Théologie d’Oxford». Ces titres prestigieux suscitent beaucoup d’interrogations, notamment quant à leur financement par le Qatar.

La fondation du Qatar a en effet fait un don généreux à l'université d'Oxford en 2008 afin de créer deux postes de chaires professorales. L'une des deux porte d'ailleurs le nom du donateur : Sheikh Hamad bin Khalifa al-Thani. Interrogé en 2013 par Libération sur cette chaire, Tariq Ramadan avait reconnu la provenance des subventions : «Ma chaire d’Oxford est une chaire permanente, que le Qatar a certes financé, mais dont la gestion est sous l’autorité exclusive d’Oxford. L’appel à candidature, la sélection, puis le choix du professeur ont suivi les règles académiques établies de façon stricte par l’université.» Le détenteur du poste devait en échange accepter automatiquement d’enseigner au Centre de recherche sur la législation et l’éthique islamiques (CILE), à la faculté islamique de Doha, tâche dont Tariq Ramadan s’est acquittée et dont il fait mention dans son CV.

Tout aussi sujettes à controverse sont les fameuses thèses de Tariq Ramadan. Charles Genequand, spécialiste du monde arabe à l’université de Genève, a par exemple refusé sa thèse portant sur le réformisme islamique et Hassan Al-Banna – grand-père de Tariq Ramadan et fondateur des Frères musulmans. «Non seulement, il refusait d’apporter des corrections à sa thèse, mais il harcelait les membres du jury pour l’obtenir au plus vite», rapporte Charles Genequand.

Une attitude qu’il aurait reproduite auprès d’autres universitaires. Selon Ali Merad, professeur émérite à l'université de la Sorbonne Nouvelle Paris III, Tariq Ramadan aurait émis la menace d’une plainte universitaire si son doctorat ne lui était pas accordé. «J’ai été directeur de thèse pendant près de quarante ans en France, en Belgique, en Suisse. Je n’ai jamais vu un étudiant se conduire de la sorte», se souvient Ali Merad.  

Mis en examen pour viols et placé en détention provisoire, Tariq Ramadan a demandé sa remise en liberté pour des raisons de santé. Ce que les juges ont refusé le 27 février, estimant qu'il existait un risque qu'il «renouvelle les faits de viol» qui lui sont reprochés.

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