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Coalition entre SPD et CDU en Allemagne : une victoire pour l'Europe, une défaite pour l'avenir ?

Les sociaux-démocrates allemands (SPD) ont accepté à plus de 66% un accord gouvernemental avec la droite CDU/CSU, d'Angela Merkel. Si Emmanuel Macron estime que c'est «une bonne nouvelle pour l'Europe», le SPD risque pourtant d'en sortir fragilisé.

Le 4 mars, le SPD (Parti social-démocrate allemand) a confirmé la validation d'un nouvel accord gouvernemental avec la droite allemande (Union des chrétiens démocrates - CDU), menée actuellement par la chancelière Angela Merkel. Plus de 66% des militants du SPD ont effectivement dit «Ja» («Oui») à cette nouvelle coalition, initiée en 2013. Favorable à cette union, le président français Emmanuel Macron a estimé qu'il s'agissait là d'«une bonne nouvelle pour l'Europe». «La France et l'Allemagne travailleront ensemble, dès les prochaines semaines, pour développer de nouvelles initiatives et faire avancer le projet européen», a informé la présidence dans un communiqué.

Plusieurs parlementaires de La République en marche (LREM), tels que Richard Ferrand ou Valérie Petit, ou du mouvement centriste Agir (proche d'Emmanuel Macron), comme l'ex-Les Républicains (LR) Fabienne Keller, se sont aussi félicités de cette alliance en reprenant l'élément de langage du président : «Une bonne nouvelle pour l'Europe.»

Des réactions peu surprenantes puisqu'Emmanuel Macron n'a jamais caché sa proximité avec l'ancien patron du SPD, Martin Schulz, promoteur d'une Europe fédérale et qui approuve l'idée du président de la République qui consiste à créer un ministère européen des Finances.

Martin Schulz a évidemment applaudi la décision des militants : «Je suis satisfait du résultat. Il peut permettre à l'Allemagne et à l'Europe d'aller de l'avant, et renforcer le SPD», a-t-il déclaré dans les colonnes du journal allemand Süddeutsche Zeitung.

Le commissaire européen français Pierre Moscovici est allé dans le même sens sur Twitter : «Félicitations à mes amis du SPD pour leur vote responsable et décisif. L'Allemagne est maintenant prête à s'engager pour une Europe plus forte.»

Cette apparente victoire du SPD précipitera-t-elle sa chute ?

Pourtant, il semblerait que ce satisfecit cache paradoxalement une inquiétude et une menace grandissante pour les partis qui se réclament pro-UE. En effet, contesté par l'électorat lors des législatives de septembre, le SPD avait réalisé un score historiquement bas (20,5%). Le traditionnel grand parti de la droite, la CDU, était aussi en baisse, par rapport aux précédentes élections de 2013, perdant au passage 92 députés. Deux partis qui subissent la montée progressive des votes eurosceptiques et anti-immigration en faveur de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD). Troisième parti lors des législatives, l'AfD dépasserait désormais, pour la première fois de son histoire, le SPD dans les intentions de vote (16%), devenant ainsi virtuellement la deuxième politique en Allemagne, selon une étude de l'institut Insa pour le journal Bild du 19 février.

Si le SPD est parvenu à décrocher d'importants ministères dont celui des Finances et des Affaires étrangères, il se ménage toutefois une porte de sortie. L'accord scellé avec la CDU comporte une clause de sortie après deux ans. Les sociaux sociaux démocrates pourront ainsi quitter la coalition au bout de deux ans pour le cas où l'orientation politique de l'action gouvernementale ne leur conviendrait plus.

Que restera-t-il de notre parti si nous continuons à perdre notre identité ?

De plus, les contraditions affichées par le SPD, depuis sa claque de septembre, pourraient affaiblir sa crédibilité politique. En effet, pendant la campagne électorale et même après les résultats des élections législatives, les cadres du SPD assuraient qu'aucune nouvelle alliance ne serait signée avec la droite d'Angela Merkel. Fin novembre, le SPD décidait finalement de revenir sur cette position et de poursuivre l'aventure de la grande coalition.

Kevin Kühnert, chef de file des jeunes SPD, est opposé à cette coalition gouvernementale. «Toute déception est maintenant compréhensible», a-t-il posté sur Twitter. «Que restera-t-il de notre parti si nous continuons à perdre notre identité ?», s'est-il par ailleurs demandé lors d'un point presse.

En France, certains socialistes affichent une mine tout aussi préoccupée, tranchant avec l'enthousiasme affiché par Emmanuel Macron et ses proches.

Ainsi, le candidat à la présidence du Parti socialiste (PS), Emmanuel Maurel, souvent considéré comme le représentant de l'aile gauche, estime que le choix du SPD ne fera que «nourrir l’extrême droite». «Rien de pire pour l’UE que l’indifférenciation entre la droite et la gauche», a-t-il ajouté dans un tweet.

Lui aussi désireux de prendre la tête du PS lors du prochain congrès, le député Luc Carvounas considère que l'accord SPD/CDU «est un signal inquiétant pour la gauche européenne en difficulté partout». «C’est pour cela que je me bats pour un PS clair sur sa ligne politique», a-t-il affirmé.

Le député hamoniste, Guillaume Balas tire lui aussi à boulest rouges sur cette grande coalition décrite comme l'«une des versions de cette alliance centre gauche-droite qui favorise l’extrême-droite et fragilise la démocratie».

L'accord obtenu par le SPD ne serait-il pas une victoire à la Pyrrhus pour les prochaines élections ? Les sociaux-démocrates devraient avoir un début de réponse lors de la prochaine grande échéance électorale allemande, prévue dans un an, avec les élections européennes.

Bastien Gouly

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