Voilà une situation aussi inédite qu'improbable : le destin politique d'Angela Merkel est désormais entre les mains de ses adversaires. L'avenir de la chancelière, de l'Allemagne et donc dans une large mesure de l'Europe, dépend en effet du résultat de la consultation des militants du Parti social-démocrate (SPD) allemand.
Ses quelque 463 723 membres avaient jusqu'à minuit, le 2 mars, pour exprimer leur soutien ou leur opposition à une participation de leur formation politique à une coalition avec l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel. Ce 3 mars, le dépouillement devrait se poursuivre jusque dans la soirée, avant la proclamation des résultats le 4 mars au matin.
Pour mettre toutes les chances de son côté, la CDU et le SPD n'ont pas lésiné sur les moyens pour convaincre les militants socio-démocrates de voter «Ja». Ainsi, la chancelière a offert de très nombreux ministères d'importance au SPD ; quant à ce dernier, il a finalement décider de se débarrasser de Martin Schulz, candidat malheureux aux législatives de l'automne dernier, qui cristallisait la plupart des critiques des militants. Selon l'institut de sondage YouGov, 56% des militants socio-démocrates se déclaraient favorables à une grande coalition avec Angela Merkel il y a encore quelques jours. Une majorité, certes, mais très faible et donc incertaine, surtout au vu des enjeux...
Le dilemme cornélien des militants du SPD
En effet, au sein du SPD, nombreux sont ceux qui, comme Kevin Kühnert, chef de file des jeunes socialistes, estiment que leur parti a besoin de s'éloigner du pouvoir... et d'Angela Merkel. Après quatre années de compromis à répétition dans une première alliance, le parti avait obtenu son plus mauvais score d'après-guerre aux dernières élections législatives.
Devant cette très sévère sanction infligée par les électeurs, Martin Schulz avait alors assuré que le SPD siégerait dans l'opposition... avant de se raviser en raison de l'impossibilité de former un gouvernement de coalition et à la perspective risquée de procéder à de nouvelles élections. La chancelière n'était en effet pas parvenue à s'allier avec les centristes du Parti libéral-démocrate (FDP). Pour la frange la plus à gauche du SPD, l'idée de devoir servir de roue de secours à Angela Merkel, au risque de sortir encore plus affaiblis de cette nouvelle législature dans quatre ans, ne séduit pas vraiment.
Seul problème : le SPD fait désormais jeu égal avec le Parti Alternative pour l'Allemagne (AfD), eurosceptique et opposé à l'immigration. Refuser de servir de faire-valoir à Angela Merkel et l'organisation de nouvelles élections exposerait le parti à une débâcle électorale sans précédent. Une telle décision marquerait en outre une crise politique d'une ampleur inégalée au cœur de l'Europe. De quoi faire hésiter les militants du SPD et donner des sueurs froides aux autres pays européens.