Les tensions étaient persistantes en Tunisie dans la nuit du 9 au 10 janvier, après de premières protestations le 8 janvier en raison des hausses des prix et des impôts. Des manifestants opposés au gouvernement se sont attaqués à des véhicules et ont affronté des forces de l’ordre à Jelma à Sidi Bouzid, ville du centre du pays fortement mobilisée. Des courses poursuites ont eu lieu à Tunis entre manifestants et policiers, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes.
Un poste de police a été incendié à Bouhsina et un autre attaqué à Beja. Casseurs à Sousse, saccage du magasin Carrefour Express à El Ysaminettes Ben Arous, dans la banlieue sud de Tunis : la liste est longue de toutes les échauffourées ayant émaillé cette seconde nuit de colère. De nombreuses images témoignent de ces incidents survenus dans au moins douze villes du pays, qui ont fait des dizaines de blessés, dont 49 policiers. La police a procédé à 200 arrestations, selon le ministère de l'Intérieur.
Deux synagogues ont aussi été brûlées à Djerba.
D’autres incidents se sont produits à Tébourba, à 30 kilomètres à l’ouest de Tunis, après l’enterrement d'un homme mort pour une raison encore indéterminée durant les manifestations le 8 janvier. Le ministère de l’Intérieur n’a pas révélé les résultats de l’autopsie mais a démenti que l’homme ait été tué par la police.
Le gouvernement tunisien défend ses mesures, l'opposition gronde
La nouvelle loi de finances 2018, qui prévoyait l’augmentation de certains biens, a mis le feu aux poudres. Depuis le 1er janvier, des hausses de prix ont affecté les carburants, les ventes de voiture, les services de téléphonie et d'accès à Internet ou les nuits d’hôtel.
Le Front populaire, coalition de l'opposition tunisienne, avait appelé mardi 9 janvier, à poursuivre les protestations contre cette loi de finances 2018, considérée comme «injuste». Ils critiquent les mesures d’austérité prises par le gouvernement de Youssef Chahed.
L'exécutif soutient que ces hausses de prix vont servir à réduire le déficit public et dit répondre aux exigences notamment du FMI qui a imposé des réformes économiques. Le Premier ministre a lancé un appel au calme et dénoncé des violences inacceptables. «La situation économique est difficile, mais nous ne devrions pas exagérer, surtout à la lumière des nombreuses rumeurs envahissant le réseau social Facebook», a-t-il affirmé en marge d’une visite d’inspection des forces armées à Remada dans le gouvernorat de Tataouine.
2018 sera la dernière année difficile pour les Tunisiens
Youssef Chahed s’est voulu rassurant pour sa population, promettant des jours meilleurs : «Les gens doivent comprendre que la situation est exceptionnelle et que notre pays est confronté à des difficultés, mais nous pensons que 2018 sera la dernière année difficile pour les Tunisiens.»
Selon le ministre des Finances, Ridha Chalghoum, le gouvernement n’annulerait pas les augmentations d’impôts mais ne toucherait pas aux produits de première nécessité. «Parmi les acquis de la démocratie il y a la possibilité de manifester, mais on a aussi l’obligation de travailler pour une économie tunisienne saine», a t-il déclaré à l’AFP.
Le mois de janvier est traditionnellement marqué par la mobilisation sociale en Tunisie depuis la révolution de 2011, et le contexte est particulièrement tendu à l'approche des élections. Le 6 janvier, la police tunisienne avait déjà dispersé une manifestation contre la hausse des prix dans la capitale. De jeunes protestataires, membres de la campagne citoyenne «Fech Nestannew» («Qu'est-ce qu'on attend», en dialecte tunisien), s'étaient auparavant rassemblés sur l'avenue Bourguiba, dans le centre de Tunis.
En 2017, l'inflation a atteint 6,4% dans cet Etat nord-africain. Le chômage culmine quant à lui à plus de 15% pour l'ensemble de la même année. La dette considérable de la Tunisie se portait en novembre 2017 à 69,5 % du PIB du pays. Le tourisme en berne et la baisse des investissements étrangers ont encore aggravé une situation économique catastrophique. Le vote de la loi de finances vient cristalliser une grande lassitude au sein d'une partie de la population, sept ans après le Printemps arabe.
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