L'Accord France-Suisse relatif à la fiscalité de l'aéroport Bâle-Mulhouse met fin, selon le gouvernement, à une «incertitude fiscale et juridique» remontant à 1949. Le 19 décembre 2017, les députés ont donné leur aval à cet accord signé en mars entre la France et la Suisse, qui prévoit d’appliquer à l’EuroAirport de Bâle-Mulhouse et à certaines des entreprises qui y sont implantées un mélange des règles fiscales des deux pays.
Mais le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon évoque plutôt une «étrange convention». «Les voici, [les Suisses], exonérés de la taxe d'aviation civile pour les 90% du trafic enregistré alors que c'est l'Etat français qui est responsable de toutes les missions régaliennes qui concernent cet aéroport. Dans l'accord on va également les exonérer de taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite taxe Chirac, qui tombe sous le sens de quiconque a un minimum de sentiment humain mais pas [la Suisse]. C'est une taxe qui sert à payer la lutte mondiale contre le sida et c'est une excellente idée du président Jacques Chirac. Ils ne paient pas non plus la contribution économique territoriale», a poursuivi le leader de La France insoumise.
Jean-Luc Mélenchon veut être entendu en Suisse
Remonté, Jean-Luc Mélenchon saisit l'opportunité de cet accord pour dénoncer la relation fiscale avec la Suisse : «Elle doit changer», insiste-t-il. Estimant que les Français sont «patients» et font preuve d'une «bonhomie» depuis 60 ans pour accepter la situation, Jean-Luc Mélenchon espère que les politiques suisses pourront entendre son appel.
«La Suisse est considérée par les gens honnêtes et par les ONG spécialisées sur le sujet comme un paradis fiscal dont nous faisons partie des premières victimes», regrette le député de Marseille. «Oxfam la classe comme le 4e pire paradis fiscal du monde», ajoute-t-il.
«Certainement qu'il y a une qualité d'air en Suisse particulière puisque la moitié des milliardaires français sont installés en Suisse [...] C'est inadmissible», tempête Jean-Luc Mélenchon.
Nous avons le devoir de demander aux Suisses des comptes !
Se fiant à des rapports internationaux, Jean-Luc Mélenchon s'attaque aux «245 entrepôts douaniers et 20 ports francs [zones franches non soumises au service des douanes] en Suisse qui sont des zones de non-droit total. Personne ne sait ce qu'il y a là-dedans [...] La Suisse ne pratique pas l'échange automatique d'informations fiscales.» S'il avoue que la Suisse s'est engagée en 2018 à transmettre les informations, l'Insoumis doute des intentions concrètes du pays. «Nous avons le devoir de demander aux Suisses des comptes !», s'exclame-t-il.
Jean-Luc Mélenchon s'appuie ensuite sur une rencontre entre le ministre des finances Michel Sapin et les autorité suisses qui s'inquiétaient en 2016 d'un possible trafic dans les zone de ports francs. Par extension, Jean-Luc Mélenchon interpelle le gouvernement pour qu'il puisse imposer à la Suisse de révéler les noms des propriétaires des œuvres d'art qui sont dans ces zones, soupçonnées pour certaines d'entre elles d'avoir été volées et d'alimenter un trafic.
«Tout cela est insupportable et intolérable [...] Monsieur Jean Ziegler, député suisse [...] dit que l'ancien procureur de la confédération [helvétique] lui a dit que 80% des fonds qui sont déposés à Genève sont constitués d'argent illégal [...] Et ce chiffre lui semble réaliste», se scandalise Jean-Luc Mélenchon. Il en appelle d'ailleurs au courage politique du gouvernement : «Qu'on entende qu'en France, personne n'est dupe de ce qu'est la Suisse aujourd'hui dans l'univers de l'évasion fiscale de la fraude et des trafics».
Un discours à charge contre la Suisse qui n'a pas manqué de faire réagir chez les Helvètes.
Ainsi, le libéral Vincent Arlettaz s'amuse que «Jean-Luc Mélenchon s'étonne que les autres pays pratiquent leur propre droit et taxe de paradis tous ceux qui diffèrent de l'enfer fiscal français…»
Le journaliste Grégoire Barbey, lui, considère que «les poncifs de Jean-Luc Mélenchon sur la Suisse sentent le soufre.»