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Algérie : vers un assouplissement du droit à l'avortement ?

Tandis que l'avortement demeure un tabou en Algérie, où le code pénal punit les femmes qui y ont recours et les médecins le pratiquant, le ministère de la Santé présente un texte visant à faire évoluer la loi en la matière.

La commission de la Santé de l'Assemblée populaire nationale (APN) algérienne s'apprête à examiner un projet de loi permettant un assouplissement de la législation encadrant l'interruption volontaire de grossesse (IVG). 

Déposé début novembre par le ministère de la Santé devant la commission de la Santé et des Affaires sociales de l'APN, le texte envisage d'élargir les conditions permettant de pratiquer un avortement «thérapeutique». Il s'agit plus précisément d'autoriser la pratique de l'IVG dans les cas où celle-ci est indispensable à la survie de la mère.

L'initiative du ministère passe d'autant moins inaperçue que le code pénal algérien prévoit de lourdes sanctions pour les femmes pratiquant (ou tentant de pratiquer) un avortement. Celles-ci encourent une peine de six mois à deux ans de prison ainsi qu'une amende. Sont également sujets à poursuites ceux qui «inciteraient [à l'avortement] de quelque manière que ce soit : discours, affiches, publicité, assemblées générales ou groupements publics, illustrations». La peine prévue pour ces incitations ou pour la pratique d'une IVG va de deux mois à trois ans de prison, et ce «que la grossesse soit réelle ou supposée».

Une avancée encore trop timide pour certains

Concrètement, le texte présenté par le ministère de la Santé autorisera l'IVG quand «l'embryon ou le fœtus est atteint d'une maladie ou d'une malformation grave ne permettant pas son développement viable». L'avortement devrait également être autorisé si «l'équilibre physiologique ou psychologique et mental de la mère est gravement menacé ».

Pour mesurées qu'elles soient, ces avancées suscitent les espoirs du milieu associatif militant pour la défense des droits des femmes. D'après Cherifa Kheddar, une militante contre les violences faites aux femmes citée par Le Point, le projet de loi «va dans les détails en ce qui concerne l'avortement thérapeutique». «C'est bénéfique aussi bien pour le praticien que pour les personnes concernées», constate-t-elle avec satisfaction. Mohamed Berkani Bekkat, président du Conseil national de l'ordre des médecins d'Algérie, abonde dans le même sens et souligne l'apport bénéfique d'une telle loi, particulièrement dans les cas de grossesses consécutives à un viol ou un inceste.

Pour d'autres, en revanche, le texte ne va pas assez loin. Fetta Sadat, députée du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) affiche par exemple une certaine circonspection. «Je constate qu'il y a beaucoup de non-dits et de précautions dans le texte... Pourquoi n'utilise-t-on pas les mots qu'il faut ?» Elle souligne ainsi le fait que le texte de loi se contente d'évoquer avec pudeur «des mesures thérapeutiques dictées par les circonstances» sans jamais nommer l'IVG. «Si une loi n'est pas explicite, elle peut constituer un obstacle [pour le personnel médical]», déplore également Nadia Chouitem, médecin et députée d'opposition du Parti des travailleurs.

Selon l’Association algérienne pour la planification familiale, 8000 avortements seraient pratiqués chaque année en Algérie, dont environ 300 de manière clandestine. Mais les associations militant pour l'élargissement du droit à l'IVG estiment que ces statistiques sont très en-deçà de la réalité.

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