A en croire les gros titres de la presse française, la révolution du bikini est en marche en Algérie et va agiter la plage de Tichy en Kabylie, le 7 août. Le journal Marianne avance qu'une «baignade républicaine géante» y est organisée, BFMTV titre sur une «Nouvelle opération bikini en Algérie», alors que 20 minutes assure que 3 000 femmes sont attendues pour cette baignade républicaine.
La presse française voit dans cet évènement singulier la suite logique du mouvement parti de la ville d’Annaba en juillet dernier. Un groupe de jeunes féministes, dont le nombre dépasserait 2 800 sur les réseaux sociaux, avait décidé de réunir le plus de femmes possible pour se baigner en maillot de bain sur les plages de la ville, selon le journal local algérien Le Provincial. Histoire de faire un pied de nez aux jeunes qui avaient mené une croisade anti-bikini sur les réseaux sociaux durant le mois du ramadan. Une information à laquelle les médias français, dont RT France, avaient donné un large écho.
Le «hoax» du 7 août
Si une baignade républicaine initiée à Annaba a bien eu lieu, le média Observatoire Algérie rapporte en revanche qu'il n'y pas de traces d'un évènement similaire prévu le 7 août. Interrogées par le média, les initiatrices des baignades républicaines nient d'ailleurs avoir eu connaissance de cette action.
La parenté en reviendrait en fait à un jeune homme, qui aurait profité de l'agitation créée en juillet pour diffuser une fausse information sur Facebook, sur laquelle les médias hexagonaux se sont précipités.
Mais au-delà même de la diffusion de cette information, le journaliste Mohamed Mehdi du Huffpost Maghreb estime que l'histoire elle-même n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. Il note, bien à propos, que dans l'unique image publiée de la baignade à Annaba qui a fait tant de bruit, on ne dénombre que 24 femmes en bikini, dont la moitié sont en short ou enfilent une serviette de plage au niveau de la taille. Mais les nombreux articles de la presse française – sans compter le journal télévisé de France 3 – ont donné au sujet un retentissement disproportionné.
Pour le journaliste, l'histoire rassemblait simplement trop d'éléments à même de passionner les médias : «Il n'en fallait pas plus pour faire baver la presse française. Il faut dire que tous les mots-clés y sont : Algérie, femme, bikini, protester, agression (verbale et "pourquoi pas" physique), mais surtout... religion !»
Les internautes ont eux aussi fait part de leur circonspection à l'égard de ce mouvement, y compris dans la ville d'où il est parti, Annaba.
Quand à la plage de Tichy en Kabylie, pas de trace du mouvement de protestation le 7 août...