Miro Cerar, le Premier ministre de Slovénie, membre du Parti du centre moderne (SMC, centre gauche) est dans la tourmente depuis qu'il a pris position dans un dossier médiatisé concernant un migrant syrien, Ahmad Shamieh. L'opposition de droite a engagé une motion de censure qui, si elle a peu de chances d'aboutir, témoigne de la forte instrumentalisation politique du cas de ce réfugié, de la part de ceux qui le soutiennent comme de celle des partisans de son expulsion.
Comme d'autres célébrités de son pays, et à l’instar d’une poignée de membres du gouvernement, l’ancien juriste de 54 ans a annoncé publiquement qu’il fallait autoriser le réfugié syrien à demeurer en Slovénie. Mais Miro Cerar semble avoir oublié qu'il n'est pas un citoyen ordinaire et que son rôle de chef de l'exécutif lui interdit de se prononcer dans les affaires relevant de la justice. L’opposition de droite s’est saisie de ces déclarations pour faire planer la menace d’une motion de censure, à laquelle ils travaillent depuis le 15 novembre.
La Slovénie à l'unisson pour défendre un migrant syrien
La Slovénie, qui compte quelque deux millions d'habitants, est traversée par des dizaines de milliers de migrants par an, mais n'en accueille que quelques centaines. Pourtant, le pays entier s’est attaché à défendre le coiffeur barbier syrien Ahmad Shamieh, 42 ans.
L'homme, qui résidait dans un centre d'hébergement à Lubljana, a montré un grand attachement à la Slovénie et en a appris la langue. Modèle d’intégration, il distribuait des repas aux démunis aux côtés d'ONG en Slovénie. Mais sa demande d'asile a été rejetée durant l'été 2017.
En effet, sa présence en Slovénie n'en demeure pas moins illégale : il doit être déporté en Croatie, le premier pays européen dans lequel il est entré après avoir quitté la Syrie. 4 000 personnes, dont de nombreuses célébrités, se sont émues de son cas et ont signé une pétition en faveur de ce qu'ils estiment être un réfugié modèle. Campagnes de soutien, rassemblements... les Slovènes se sont mobilisés, comme on peut le voir dans cette vidéo de soutien au coiffeur.
Deux membres importants du Parlement, appartenant à deux partis de gauche, l’un de la coalition, l’autre de l’opposition, ont profité de l'aubaine que constituait à leurs yeux la médiatisation du cas d'Ahmad Shamieh pour accomplir un véritable coup de communication en le conduisant à l’intérieur du parlement pour lui éviter d’être emmené par la police, le 14 novembre dernier.
Miro Cerar pris en tenaille en devant statuer sur le cas du Syrien
Lorsque Miro Cerar, a été interrogé sur l’épineuse question du réfugié lors d’une conférence de presse le 14 novembre, il a répondu qu’il souhaitait lui aussi trouver une solution pour accorder la résidence à Ahmad Shamieh, qui avait su montrer sa capacité d'intégration dans la société slovène. Il a aussi tweeté qu'il ferait «examiner une proposition de délivrance d'un permis de séjour temporaire, en vertu de l'article 51 de la loi sur les étrangers».
L'opposition monte au créneau pour faire démissionner le Premier ministre
L’opposition de droite s’est saisie de ces simples propos de soutien pour affirmer qu’en tant qu'avocat constitutionnel, il avait tenté d’interférer avec les décisions d’une justice indépendante. En effet, Miro Cerar est un ancien professeur à l’université de Ljubljana, et il a participé à la rédaction de la constitution slovène.
Janez Jansa, un ancien ministre du Parti démocratique slovène (SDS, droite), a averti le 15 novembre qu’il allait chercher à faire voter une motion de censure contre Miro Cerar pour le forcer à démissionner. Le Premier ministre a désormais 30 jours devant lui pour répondre aux charges, avant un vote du Parlement. L’opposition devra récolter deux tiers des voix pour pouvoir porter la motion devant les tribunaux.
Pour le moment, Miro Cerar semble disposer de suffisamment de soutiens au Parlement pour annuler la motion qui pourrait le condamner. La majorité estime que ce sursaut de l’opposition contre le chef du gouvernement n’est qu’une tentative de déstabilisation avant la tenue des élections législatives l’an prochain.
Mais au sein de sa coalition, diverses voix se sont exprimées pour respecter la procédure d'expulsion du Syrien. Monté en épingle, instrumentalisé par les partis politiques de tous bords, Ahmad Shamieh est entré en dépression, et se trouve actuellement dans un hôpital psychiatrique. La procédure d’expulsion ne pouvant être contestée, il pourra demander son retour en Slovénie depuis la Croatie, à moins qu’il ne fasse appel en invoquant son état de santé fragile.
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