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L’ex-femme d’un djihadiste affirme que le racisme en Angleterre l’a poussée à rejoindre l’EI

Tania Georgelas, une Britannique de retour de Syrie qui s’était mariée à un Américain au sommet de la hiérarchie de l’Etat islamique, vit aujourd'hui repentie au Texas. Elle estime que le racisme en Angleterre a conduit à sa radicalisation.

Tania Georgelas, trentenaire britannique, vit aujourd'hui paisiblement à Dallas, cheveux lâchés, et boit du vin avec son nouveau petit ami, un chrétien. Il y a quelques années, elle vivait drapée dans un jilbab, et se rêvait bombe humaine. Elle a aussi habité dans une villa abandonnée en Syrie, aux côtés d'un fondamentaliste devenu une des figures charismatiques de l'Etat islamique (EI) et avec qui elle a été mariée durant dix ans. Elle explique dans une vidéo du site The Atlantic publiée le 3 novembre, que ce sont ses années d’adolescente à Harrow, dans le nord-ouest de Londres, qui l’ont incitée à devenir djihadiste.

Nous avions d’horribles voisins, il cassaient nos vitres.

La jeune femme originaire du Bangladesh a confié : «Grandir à Londres était dur, j’étais beaucoup confrontée au racisme.» Elle se souvient de son enfance : «Nous avions d’horribles voisins, ils cassaient nos vitres. Et de manière générale, je me sentais rejetée. Je cherchais un moyen de me venger et je voulais retrouver mon honneur.»

Le plongeon dans le djihadisme

Adolescente rebelle, elle cherche la confrontation avec ses parents qui avaient délaissé l'islam, et revendique sa religion, fantasme sur les Taliban. Le tournant réel se produit après les attaques terroristes du 11 septembre en 2001. «J’avais 17 ans, j’ai vu les tours s’écrouler», raconte-t-elle. «Je suis retournée à l’école le lendemain. J’ai dit à mon amie : “Oh, c’est quand même atroce ce qui s’est passé?”. Elle m’a regardée et a répondu “Tu trouves?". C’est à ce moment que je suis devenue une djihadiste pure et dure», se remémore-t-elle.

Notre rêve était d’avoir un terrain à nous, d'élever une famille, d’entraîner nos fils à devenir assassins ou soldats

Au cours d’une manifestation contre la guerre en Irak, elle rencontre un groupe de femmes qui distribuent des prospectus pour le compte d’un site de rencontres musulmanes. Elle y fait la connaissance de John Georgelas, un chrétien du Texas converti à l’islam rigoriste, fils d'un médecin militaire américain, le colonel Timothy Georgelas. Un mois plus tard seulement après leur rencontre, après trois jours de flirt, John Georgelas se marie avec elle en Angleterre en 2004. Elle n'a que 19 ans. La jeune britannique s’envole aux Etats-Unis avec lui. Ils vivent selon les principes de l'islam... mais fument beaucoup de cannabis et aspirent à une vie de combattants nomades. «Notre rêve était d’avoir un terrain à nous, d'élever une famille, d’entraîner nos fils à devenir assassins ou soldats», avoue-t-elle.

Ils passent leur lune de miel à Damas et prennent contact avec des djihadistes. Ils se déplacent en Amérique, son mari s’impliquant de plus en plus dans les études islamiques. Il arrive à la jeune djihadiste de se rebeller, mais elle ne divorce pas, même s’il prend une seconde femme, d'origine jamaïcaine, avec laquelle il se marie par téléphone. Au bout de quelques années, fuyant les autorités américaines qui surveillent le mari, le couple part vivre en Egypte puis en Turquie. Lorsque la jeune rigoriste tombe enceinte de son quatrième enfant, son mari djihadiste, qui nourrissait des rêves de gloire au sein du Califat, les conduit en Syrie sans l'informer de la destination, en août 2013.

Mais après seulement un mois en Syrie, la jeune femme trouve les conditions de vie insupportables. Ses enfants sont malades, ils vomissent des vers. Elle est enceinte et souffre. Son mari, devenu une figure montante de l'EI, accepte de les raccompagner avec leurs enfants près de la frontière turque, ils traversent un champ de mines valises à la main. Tania Georgelas commence à perdre du liquide amniotique. Elle se réfugié à Londres, et demande le divorce, décidée à changer de vie.

Une nouvelle vie avec un chrétien

Aujourd'hui, tout a changé pour l'ex-djihadiste, qui se définit comme «agnostique» et affirme qu'elle est «une cause perdue pour les musulmans». Actuellement les enfants de l’ex-djihadiste sont confiés à la garde de leurs grands-parents. Elle conserve le droit de les voir. Son nouveau petit ami, Craig, travaille dans les nouvelles technologies. Elle vit à Dallas avec lui et l'accompagne à l’église, ce qui, selon elle, l'apaise, car elle a «besoin de suivre une religion». Elle souhaite prendre part à une unité de déradicalisation pour les anciens terroristes. A-t-elle vraiment tourné la page ? Le journaliste note qu'après des heures de conversation, elle déplore que «tant d'habitants de l'Etat islamique soient bombardés, juste parce qu'ils veulent vivre dans un Califat». Pas simple de balayer d'un revers de manche des années de lavage de cerveau...

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