«Nous souhaitons vivement que le Congrès [américain], qui a maintenant la responsabilité d’une éventuelle rupture, ne remette pas en cause [l'accord sur le nucléaire iranien]» a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian à l’AFP le 14 octobre, au lendemain de l'annonce faite par Donald Trump de la «non-certification» des engagements de l'Iran dans le cadre de l'accord sur son programme nucléaire.
Cette «non-certification» place en effet le Congrès américain en première ligne : les parlementaires ayant désormais 60 jours pour décider s'ils rétablissent les sanctions levées depuis 2015, ce qui rendrait l'accord caduque.
Le ministre des Affaires étrangères français a estimé qu'un acte de rupture serait «extrêmement dommageable», appelant l'UE a faire pression sur le Congrès américain. Il a défendu ce qu'il considère être un «bon accord», qui limiterait la prolifération nucléaire et empêcherait l’Iran de se doter de l’arme atomique : «Il est robuste, a sa cohérence».
Londres, Berlin et l'UE sur la même ligne
Une position partagée par Berlin et Londres, avec lesquels Paris a publié un communiqué commun dès le 13 octobre, faisant part de leurs préoccupations quant aux implications pour la sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés des mesures réclamées par le locataire de la Maison Blanche. Assurant partager les inquiétudes des Etats-Unis sur «le programme balistique iranien et les activités régionales» de Téhéran, les trois poids lourds européens ont cependant souligné l'importance de l'accord également connu sous l'acronyme JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), «point culminant de 13 ans de diplomatie».
«Nos gouvernements sont déterminés à assurer le maintien du JCPOA», conclut le communiqué, laissant la porte ouverte aux discussions avec les Etats-Unis : «Indépendamment du JCPOA, nous devons nous assurer que nos préoccupations collectives plus larges sont prises en compte.»
La question du nucléaire iranien est au cœur de la réunion des 28 chefs de la diplomatie de l'UE qui se tient le 16 octobre à Luxembourg. «En tant qu'Européens, nous nous inquiétons que la décision du président américain puisse nous ramener à une confrontation militaire avec l'Iran», a confié le ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel quelques minutes avant la réunion. «C'est un accord qui fonctionne et dont nous avons besoin pour notre sécurité», a renchéri la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, estimant qu'il était également «crucial pour la sécurité de la région».
Un dangereux message envoyé à la Corée du Nord
Car selon plusieurs dirigeants européens, de nouvelles sanctions – qui de fait seraient contraires à l'accord – enverraient par ricochet un très mauvais message à la Corée du Nord. Les essais de missiles balistiques de longue portée par Pyongyang ces derniers mois, et son test d'une bombe nucléaire début septembre, ont provoqué des graves tensions avec les Etats-Unis, et fait naître le spectre d'une nouvelle guerre nucléaire.
«Si on ne respecte plus cet engagement, comment voulez vous qu'on persuade la Corée du Nord de se mettre autour d'une table pour négocier une dénucléarisation de la péninsule coréenne ?», s'est interrogé le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois Jean Asselborn. «Quand on pense aux tentatives de trouver une solution négociée avec la Corée du Nord, notre préoccupation est que la menace de mettre fin à l'accord avec l'Iran sape la crédibilité de tels traités internationaux», a abondé Sigmar Gabriel.
«Il risque d'être plus difficile d'ouvrir un dialogue ou une médiation avec la Corée du Nord» si le JPOAC est «menacé ou démantelé», a pour sa part confirmé Federica Mogherini, annonçant qu'elle se rendrait à Washington début novembre pour plaider en faveur de son maintien.
Pour Moscou, cette décision va aggraver la course aux armements
A l'instar de l'UE, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a fermement condamné la décision de Donald Trump. Lors d'une conférence de presse à Sotchi le 16 octobre, le chef de la diplomatie russe a estimé que cette décision – ainsi que les menaces militaires contre Pyongyang – ne pouvaient qu'accentuer «une dangereuse course aux armements, avec un risque de diffusion incontrôlée des armes de destruction massive», de la part de pays qui craignent «à juste titre la répétition des scénarios yougoslave, irakien et libyen sur leur sol».
«Nous arrivons à une situation paradoxale : les pays qui se considèrent comme des démocraties exemplaires, s'opposent au pluralisme dans la politique internationale, trahissant ainsi les valeurs démocratiques», a-t-il en outre fait remarquer. Considérant l'exemple des Etats-Unis dans une rétrospective historique, le diplomate a noté la transformation d'une nation basée sur «la négation de l'impérialisme, l'imposition des idéaux démocratiques, d'égalité, de justice et de primauté de la loi», en un «Etat militariste, intolérant vis-à-vis des opinions contraires à la sienne et prêt à violer le droit international».
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