«Aujourd’hui, ce n'est qu’aux Etats-Unis que nous subissons des pressions aussi fortes et de facto des tentatives de nous expulser du pays», a déclaré le 5 octobre Margarita Simonian, la rédactrice en chef monde de la chaîne RT. Elle participait alors à la réunion d’un groupe de travail du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement russe) à Moscou, consacrée aux mesures entreprises par les Etats-Unis à l'encontre des médias russes.
Début septembre, le ministère américain de la Justice avait sommé la chaîne russe de s’enregistrer en tant qu'«agent étranger», conformément au Foreign Agents Registration Act (FARA). Cette loi, adoptée en 1938, prévoit que toute organisation représentant les intérêts de pays étrangers «à titre politique ou quasi-politique» doit s'immatriculer comme «agent étranger».
Comme l’a rapporté la rédactrice en chef de RT, si la chaîne cède à ces conditions, elle pourrait se trouver obligée de dévoiler les données personnelles de ses employés, fournir les listes des personnes interviewées et afficher la mention «agent étranger» sur tous ses supports, que ce soit sur les chaînes de télévision ou ses sites internet. «On devra donc s’adonner à de l’autoflagellation», a résumé Margarita Simonian.
La journaliste russe souligne d'autre part que le FARA n’est pas destiné à encadrer les activités de médias et que son application à la chaîne russe n’est pas légitime. Pourtant, elle a déclaré que si RT refusait de se plier aux injonctions de la justice américaine avant le 17 octobre, cette dernière pourrait procéder à des arrestations. Par le passé, Margarita Simonian avait déjà qualifié les demandes de Washington d’«illégales», précisant que si les événements continuaient de se dérouler de cette façon, RT pourrait être contraint de se retirer des Etats-Unis.
La diplomatie russe n’est pas restée sans réponse face à l’attitude des Etats-Unis. Ainsi, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova – également présente à la séance de travail à Moscou – a déclaré que la Russie pourrait riposter si Washington continuait à mettre la pression sur les médias russes. «Nous constatons une violation de la législation intérieure des Etats-Unis et des principes de liberté de la presse», a-t-elle réagi, ajoutant : «Ces mêmes principes qui constituent le fondement de la politique étrangère des Etats-Unis.»
Deux jours plus tôt, l’agence Bloomberg annonçait que Google retirait RT du programme Google Preferred – des vidéos de choix du géant informatique américain qu’il propose en priorité à une sélection d'annonceurs. De son côté, RT s’est insurgé contre le manque de concertation de la part de Google.
«Il est absolument inacceptable que de telles informations internes soient divulguées aux médias par Google, sans que RT n'en ait été averti», a déclaré à ce sujet le vice-rédacteur en chef de la chaîne Kirill Karnovitch-Valoua. «Le fait que RT ne soit plus inclus dans la liste Google Preferred aux Etats-Unis n’influencera pas la distribution et la monétisation des contenus RT sur la plateforme», a-t-il pourtant noté, dénonçant une «pression politique sans précédent sur tous les partenaires de RT».
RT est la chaîne télévisée d’information la plus regardée sur YouTube et compte des millions d’abonnés sur ses antennes disponibles en plusieurs langues. En septembre, le réseau RT a enregistré un nouveau record en cumulant plus de cinq milliards de vues sur l'ensemble de ses chaînes YouTube.
RT dans le viseur des autorités américaines
La chaîne d’information russe se trouve dans la ligne de mire des autorités américaines, qui enquêtent actuellement sur la manière dont Moscou aurait, selon elles, «influencé» l'élection présidentielle américaine. La commission d’enquête du Sénat américain sur la Russie a ainsi invité Facebook, Twitter et Google à participer à l’investigation, soupçonnant que la Russie aurait «tenté d’utiliser les réseaux sociaux» pour influencer le scrutin.
Le réseau social Facebook a par exemple affirmé que des centaines de faux comptes «probablement» activés depuis la Russie auraient été utilisés pour acheter des espaces publicitaires afin de nourrir les tensions politiques aux Etats-Unis avant et après l'élection présidentielle. Dans son rapport destiné à la commission d'enquête du Sénat américain sur la Russie, Twitter, lui, a dévoilé que RT avait effectivement financé environ 1 800 tweets promotionnels pour ses propres chaînes… «Oui, comme n’importe quel média», avait alors rétorqué Margarita Simonian.
De son côté, le géant du web Google a déclaré n'avoir trouvé sur ses plateformes aucune preuve de tentative d'influencer les élections américaines de la part de la Russie.