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Quand Merkel compare à la réunification de l'Allemagne le rattachement de la Crimée à la Russie

Berlin ne peut se résoudre à accepter que la Crimée soit partie intégrante de la Russie, d’après la chancelière allemande. Or, pour la diplomatie russe, l’argument utilisé par Angela Merkel ne fait que confirmer le bien-fondé de ce rattachement.

Opposante farouche au rattachement de la Crimée à la Russie, Angela Merkel est revenue sur la question dans une interview à Frankfurter Allgemeinen Sonntagszeitung publiée le 10 septembre. Connue pour sa ligne dure, la dirigeante allemande en a rajouté en pleine campagne législative. Cette fois, elle est allée jusqu'à comparer les évènements survenus en 2014 en Crimée à ceux qu'a connus l'Allemagne en 1989.

«Lorsque j’entends, par exemple, qu’il faut tout simplement accepter l’annexion russe de la Crimée, je le vois ainsi : qu’est-ce qui se passerait si on nous voyait de la même manière lorsqu’on était en RDA, [se disant que] "L’Allemagne est brisée, on ne peut rien y faire"», a déclaré la chancelière.

Et d'ajouter que le Berlin ne devait pas, selon elle, «accepter l’injustice».

Elle réagissait ainsi aux déclarations faites par certains opposants dans le cadre des prochaines législatives, comme le dirigeant du Parti libéral-démocrate Christian Lindner. Ce dernier a estimé à la mi-août que l’Allemagne devait finalement reconnaître la Crimée comme faisant partie de la Russie. «La Crimée ne redeviendra jamais ukrainienne. Les sanctions n'y changeront rien. La Russie est une puissance majeure en Europe et nous devons l’intégrer dans l’ordre européen», a-t-il déclaré dans une interview au Berliner Morgenpost.

Ce point de vue a été salué par nombre d’opposants politiques à Angela Merkel, notamment Sahra Wagenknecht, coprésidente du groupe Die Linke au Bundestag, et Alexander Gauland, dirigeant du parti Alternative pour l'Allemagne. En septembre, c'est Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, et chef du Parti social-démocrate d'Allemagne qui est le principal rival de la chancelière dans les législatives, qui s’est exprimé en ce sens. «Il me semble que la situation est telle que les Russes en ont fait un fait accompli, et qu’ils vont insister sur ce fait», a-t-il estimé.

«Un argument de plus» confirmant le point de vue russe

Alors que pour Angela Merkel la comparaison entre la Crimée et la division de l’Allemagne souligne les différences entre les deux cas, la diplomatie russe n’a pas vu cette déclaration de la même façon. Selon Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, la chancelière a donné à la Russie «un nouvel argument en béton définissant clairement la validité historique de ce qui s’est passé».

«Parce que ce sont les peuples de la Russie et de la Crimée, et pas de la Crimée et de l’Ukraine, qui ont été séparés contre leur gré», a souligné la diplomate.

La Crimée faisait partie de la république socialiste fédérative soviétique de Russie à l'époque de l’URSS, avant d’être «offerte» à la république d’Ukraine en 1954 par Nikita Khrouchtchev. Après la chute de l’Union soviétique, cette région majoritairement russe est restée territoire ukrainien.

«Méfiez-vous de vos rêves, dit-on. Est-ce que quelqu’un pouvait imaginer il y a quelques années que le chef d’Etat allemand trancherait la dilemme extrêmement difficile de la Crimée en la mentionnant dans le contexte de la réunification de l’Allemagne ?» s’est réjouie Maria Zakharova.

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Elle est également revenue sur la déclaration du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. S'exprimant sur la «question de la Crimée» en 2015 à Munich, ce dernier avait souligné que la réunification de la RDA et la RFA s'était faite sans référendum, et avec le soutien actif de Moscou.

En entendant cela, «le public [...] a été indigné - une vague de grincements se transformant en bourdonnement a éclaté dans la salle», s'est rappelée Maria Zakharova. «Aujourd'hui, la Crimée et la réunification allemande sont mentionnées [...] par le gouvernement allemand», s'est-elle félicitée.

La Crimée a été rattachée à la Russie en mars 2014 après un référendum lors duquel 96,7% des votants de la péninsule ont approuvé la réunification avec la Russie. Moscou a souligné à plusieurs reprises que le référendum s’était déroulé conformément au droit international et à la charte de l’ONU.