Le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), a accusé le président Emmanuel Macron d'être parti en vacances sans s'être exprimé ou avoir manifesté publiquement la volonté d'agir pour venir en aide à Loup Bureau, journaliste français indépendant détenu en Turquie depuis le 26 juillet pour sa proximité supposée avec des indépendantistes Kurdes de Syrie. Sur un ton assez véhément à l'encontre du président de la République, la missive déplore le silence du chef d'Etat sur le cas du journaliste français, «détenu dans les prisons du dictateur turc Erdogan», comme sur celui de 160 journalistes turcs, qui seraient eux aussi derrière les barreaux.
Comment pouvez-vous parler de moralisation de la vie politique sans condamner les agissements d’un dictateur comme Erdogan ?
«Comment pouvez-vous partir en vacances la conscience tranquille quand Loup Bureau partage le sort de milliers de Turcs (journalistes, magistrats, enseignants, fonctionnaires ou simples citoyens) ? Comment pouvez-vous parler de moralisation de la vie politique sans condamner les agissements d’un dictateur comme Erdogan ?», peut-on lire dans le brûlot cégétiste.
Le journaliste indépendant de 27 ans est en effet emprisonné à Sirnak, dans le sud-est de la Turquie, depuis le 26 juillet. Arrêté dans un premier temps pour avoir travaillé sans autorisation, il a ensuite été accusé de «participation à un groupe terroriste» quand les autorités ont découvert qu'il avait réalisé un documentaire en 2013 au contact, notamment, de Kurdes de Syrie ayant rejoint les rangs des Unités de protection du peuple (YPG), un groupe armé indépendantiste considéré comme terroriste par Ankara.
Aux yeux des autorités turques, sa neutralité est interprétée comme une sorte d’approbation
Son avocat, maître Martin Pradel, a annoncé le 8 août que le jeune journaliste allait être transféré dans une prison de Van, près de la frontière avec l'Iran, plus à l'est que la prison où il se trouve actuellement. Il risquerait trente années de prison en vertu des lois turques sur le terrorisme.
«La seule chose qu'on lui reproche, c’est d’avoir réalisé un reportage diffusé sur TV5 Monde en 2013 portant sur les conditions de vies de civils syriens kurdes [...] Aux yeux des autorités turques, sa neutralité est interprétée comme une sorte d’approbation», a ainsi plaidé l'avocat lors d'une interview accordée à France info le 10 août 2017.
Martin Pradel en appelle au président de la République, rappelant que l'intervention d'Emmanuel Macron auprès du président Erdogan avait permis la libération et le rapatriement de Mathias Depardon en juin. Ce photojournaliste franco-belge avait été arrêté et retenu prisonnier dans des conditions similaires alors qu'il couvrait les affrontements entres rebelles séparatistes kurdes et soldats turcs dans la province de Batman. Le président français avait lui-même annoncé la nouvelle sur son compte Twitter.
Difficile dans ces conditions de comprendre pourquoi le président français a cette fois-ci préféré se montrer discret. «Il est assez incompréhensible que la France se montre réticente à prendre position, même de manière prudente [...] car la Turquie est un pays allié dans la région», explique l'avocat de Loup Bureau.
Une réticence que n'accepte pas le SNJ-CGT, qui assure dans son courrier que ce que «redoutent tous les dictateurs, ce sont les condamnations publiques et non le mutisme», concluant :«Ce qu’ils veulent éviter c’est l’exposition sur la place publique de leurs crimes.»