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Excédée, l'Italie menace de distribuer des visas européens aux migrants

Alors que plus de 86 000 migrants ont pénétré en Italie depuis janvier, Rome fait planer l'ombre d'un recours à une directive européenne lui permettant de leur accorder des visas temporaires, afin qu'ils puissent franchir la frontière légalement.

Selon le Times, le gouvernement italien envisagerait de recourir à une ruse juridique de dernier recours afin de soulager le poids que fait peser sur le pays la crise migratoire. Mario Giro, vice-ministre des Affaires étrangères et Luigi Manconi, sénateur du Parti démocrate au pouvoir, ont confié au journal britannique que Rome considérait la possibilité d'accorder des visas temporaires de l'Union européenne à plusieurs milliers de migrants.

Le projet consisterait à octroyer à environ 200 000 clandestins des visas temporaires de l'Union Européenne, afin de leur permettre de circuler librement – et ainsi les inciter à quitter le territoire italien. Ce procédé relève de la directive 2001/55/EC du 20 juillet 2001 sur la «protection temporaire», mise en place à l'époque pour accueillir les réfugiés des Balkans. 

En agitant la menace du recours à cette mesure, l'Italie espère envoyer un message d'alerte à Bruxelles. «L'UE exige de l'Italie qu'elle prenne en charge des milliers de migrants dans des lieux de forte tensions pendant des mois, ce qui est inacceptable», s'agace Mario Giro. Selon lui, faire planer le risque de l’octroi de ces visas aux migrants séjournant en Italie permettrait de faire réagir l'UE, dont il estime qu'elle «délaisse» l'Italie.

«Option nucléaire» ? Ou simple provocation ?

Interrogé par le Times, Mattia Toaldo, analyste au Conseil de l'Europe, estime que si ce plan venait à être mis à exécution, il s'agirait d'une «option nucléaire». Selon lui, cette distribution massive de visas européens aux clandestins présents sur le sol italien serait dramatique. Pas moins de 86 000 clandestins ont en effet pénétré sur le territoire italien pour le seul premier semestre de 2017. 

Mario Giro et Luigi Manconi concèdent cependant que leur démarche revêt avant tout un caractère provocateur, principalement destiné à susciter une réaction de l'Union européenne. Par ailleurs, la délivrance de ces visas par l'Italie nécessiterait l'accord des autres Etats membres, que ces derniers se refuseront certainement à donner.

Cette menace s'ajoute au contexte de très vives tensions qui agitent la frontière franco-italienne, que tentent de franchir chaque jour plusieurs centaines d'immigrants clandestins. La plupart sont interceptés par la police française qui les reconduit en territoire italien. Elle démontre également l'échec de l'accord de 2015 sur la répartition des migrants, dont l'immense majorité pénètre dans l'UE par l'Italie et la Grèce. 160 000 migrants devaient être répartis dans les différents Etats membres. A ce jour, seuls 7 000 migrants ont été pris en charge, certains pays, à l'instar de la Hongrie et de la Pologne, refusant d'appliquer l'accord de répartition.

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