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Maroc : grève générale à Al-Hoceïma, la mobilisation continue

Un mot d'ordre de grève générale a été largement suivi le 1er juin à Al-Hoceïma, dans le nord du Maroc, où les manifestations pour réclamer la libération du leader de la contestation locale se poursuivent à un rythme quotidien.

Dans la soirée du 1er juin, comme à chaque nuit tombée depuis presque une semaine, les manifestants se sont rassemblés de nouveau dans le quartier Sidi Abed, proche du centre-ville d’Al-Hoceïma, a constaté l'AFP. Ils étaient près de 2 000 à exiger de nouveau la «libération des prisonniers», brandissant en tête de cortège une banderole avec le portrait du leader emprisonné de la contestation, Nasser Zefzafi.

Le rassemblement s'est déroulé sans incident, pour s'achever peu avant minuit.

En milieu d'après-midi, la quasi-totalité des magasins du centre-ville ont fermé leur devanture en signe de protestation et de solidarité aux demandes de remise en liberté des militants du «hirak» (la mouvance), nom de ce mouvement qui lutte pour le «développement» du Rif, région qu'il estime marginalisée.

«Aujourd'hui toute la population est en grève. C'est un message à notre roi Mohammed VI pour qu'il intervienne à Hoceïma», a lancé un gréviste.

La grève a été très suivie dans les villes voisines d'Imzouren et Beni Bouyaach, selon un habitant joint par téléphone. Une importante manifestation a également eu lieu à Imzouren et ses environs, selon des images diffuses sur les réseaux sociaux.

Depuis la diffusion le 2 juin d'un mandat d'arrêt visant Nasser Zefzafi, le leader de la contestation qui secoue la région du Rif ces derniers mois, la province d'Al-Hoceïma est en effervescence. Nasser Zefzafi, qui dénonçait depuis des mois la «dictature» et «la corruption» du «makhzen» (pouvoir), a été interpellé le 29 mai par la police pour «atteinte à la sécurité intérieure».

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Selon un décompte officiel, la police a procédé à une quarantaine d'arrestations, visant essentiellement le noyau dur du «hirak». Vingt-cinq des personnes arrêtées ont été déférées devant le parquet. Leur procès s'est ouvert le 30 mai, mais a été reporté au 6 juin.

Selon la presse marocaine, certains des suspects, qui avaient été transférés à Casablanca, ont pu recevoir le 1er juin la visite de leurs avocats, à l'exception de Zefzafi.

«Présomption d'innocence»

L'annonce de la grève générale avait été lancée sur les réseaux sociaux par le numéro deux du «hirak», Najib Ahmajik, actuellement en fuite. Dans la soirée du 31 mai, des protestataires, aux cris de «Nous sommes tous Nasser Zefzafi !», avaient investi les rues de la ville sans incident après le repas de rupture du jeûne du ramadan.

Malgré les arrestations, les manifestations perdurent, et le Hirak s'organise, même privé de ses leaders, constatait le 1er juin l'hebdomadaire TelQuel. De nouveaux visages du mouvement sont apparus sur le devant de la scène, comme Nawal Benaissa, 36 ans et mère de quatre enfants. Disant être convoquée par la police, celle-ci s'est rendue le 1er juin au commissariat d'Al-Hoceïma, d'où elle est ressortie libre peu après et a affirmé avoir été interrogée notamment à propos du mot d'ordre de grève générale qu'elle avait relayé la veille, a-t-on constaté.

Après des heurts nocturnes avec les policiers pendant le weekend, les manifestations se déroulent depuis lors sans violences. D'autres rassemblements ont été signalés dans la province ces derniers jours, dont il est difficile de cerner l'ampleur. Des sit-in et rassemblements de «solidarité» ont été organisés ailleurs dans le royaume, dont plusieurs ont été dispersés violemment par la police, à Rabat, Casablanca et Meknès.

Après un long mutisme, la classe politique est sortie de son silence. Les chefs des partis de la majorité ont appelé «le gouvernement à davantage d'interaction positive avec les revendications des habitants», selon l'agence de presse MAP (officielle). Le Premier ministre islamiste Saad-Eddine Al-Othmani, qui s'est entretenu du sujet avec le ministre de l'Intérieur, a assuré que la région était au cœur des préoccupations du gouvernement. Le ministre de la Justice de son côté a mis l'accent sur le respect de la confidentialité de l'enquête, de la présomption d'innocence et des droits des interpellés, et notamment en cas de preuves attestant de faits de torture à leur encontre, selon un communiqué du gouvernement.