«Nous avons eu un échange franc, direct. J'ai dit en totalité ce que je pensais au président Poutine» : c'est ainsi qu'Emmanuel Macron a qualifié cette première rencontre avec le président russe, lors d'une conférence de presse le 29 mai à Versailles. Le président de la République, s'est placé d'emblée dans l'Histoire longue, alors que le président russe venait à l'occasion du 300e anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques entre la Russie tsariste et la monarchie française en 1717.
«Je souhaite que l'un et l'autre, nous nous rappelions à chaque instant que cette histoire nous dépasse», avait ainsi tweeté le chef d'Etat français – une manière de relativiser les points de désaccord potentiels. «On a partagé nos désaccords qui doivent nous permettre d'avancer sur solutions communes», a rappelé Emmanuel Macron lors de la conférence de presse. Et, de fait, les dossiers auxquels les deux pays vont devoir désormais s'atteler sont nombreux au terme du quinquennat de François Hollande, long dialogue de sourds, notamment en matière de politique internationale.
La lutte contre le terrorisme, d'«accord», mais comment ?
«Notre priorité absolue, c'est la lutte contre le terrorisme, l'éradication des groupes terroristes et en particulier Daesh», a martelé Emmanuel Macron, «c'est le fil directeur de notre action en Syrie». Sur cette assertion, les deux dirigeants ne pouvaient avoir de désaccord, mais le diable se trouve dans les détails. «Je souhaite que nous puissions organiser une transition démocratique mais en préservant un Etat Syrien», a poursuivi le président de la République, évoquant ainsi non pas l'Etat syrien, reconnu par le droit international, mais «un» Etat. «Dans la région, les Etats faillis [en théorie des relations internationales, un Etat qui n'exerce plus d'autorité sur son territoire] sont une menace pour nos démocratie». Et, de fait, l'intervention occidentale en Libye en 2011, puis en Syrie à partir de 2012, sont là pour en témoigner.
«Nous partageons l'idée que le but principal que nous avons est la lutte contre le terrorisme», a de son côté convenu Vladimir Poutine. Mais le président russe a ajouté : «En ce qui concerne le problème syrien, notre position est claire […] nous estimons que l'on ne peut pas combattre la menace terroriste en détruisant l'Etat.» L'Etat donc, pas «un» Etat.
Emmanuel Macron, pour sa part, a d'ailleurs exclu l'hypothèse d'une réouverture, du moins dans un avenir proche, de l'ambassade de France à Damas, fermée par Nicolas Sarkozy en mars 2012.
Reconstruire les relations bilatérales
Emmanuel Macron l'a martelé : «Aucun enjeu essentiel ne peut être traité aujourd'hui [...] sans dialoguer avec la Russie.» Signe de cette volonté de dialogue, Emmanuel Macron a annoncé la création d'un forum franco-russe des sociétés civiles afin, a-t-il expliqué, de permettre à la jeunesse, aux acteurs économiques, culturels, et aux penseurs, de dialoguer, de se rapprocher et de «surmonter les éventuelles incompréhensions». De plus, le président français a annoncé qu'une discussion au format Normandie (Russie, Ukraine, France et Allemagne), sur la crise ukrainienne, serait organisée «dans les prochains jours ou semaines».
Revenant sur les nouvelles menaces de sanctions économiques contre la Russie, brandies par les pays du G7 dans leur déclaration finale du 27 mai 2017, Emmanuel Macron a évoqué, selon lui, une «escalade», préférant créer les conditions d'une désescalade. Ce à quoi le président russe a déclaré préférer «les points de rapprochements» plutôt que les points d'achoppement. «Je suis persuadé que les intérêts premiers de la France et de la Russie dépassent ces points de frictions. Les relations économiques sont croissantes», a rappelé Vladimir Poutine à propos des échanges économiques entre la France et la Russie.