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Tunisie : quatre arrestations dans un coup de filet anticorruption

Quatre individus, parmi lesquels des hommes d'affaires, ont été arrêtés en Tunisie pour «atteinte à la sûreté de l'Etat» et «corruption». Le pays est en proie à de violents troubles sociaux depuis quelques jours.

Les hommes d'affaires Chafik Jarraya, Yassine Chennoufi et Nejib Ben Ismaïl ainsi que le responsable douanier Ridha Ayari ont été arrêtés le 24 mai en vertu de l'état d'urgence, en vigueur dans le pays depuis novembre 2015, a confié à l'AFP un haut responsable tunisien sous couvert d'anonymat.

«Ils sont impliqués dans des affaires de corruption et soupçonnés de complot contre la sûreté de l'Etat par incitation et financement présumé de mouvements de protestation à El-Kamour et dans d'autres régions», selon lui.

Interpellés à Tunis, Chafik Jarraya et Yassine Chennoufi, un ex-douanier et candidat indépendant à la présidentielle tunisienne de 2014, sont des personnalités en vue, et ces arrestations ont fait sensation.

Aussi discret que tonitruant, ce coup de filet intervient par ailleurs quelques jours après le témoignage édifiant d'un ancien membre éminent du clan du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, Imed Trabelsi, sur les pratiques de corruption en Tunisie.

Lors d'une audition publique le 19 mai de l'Instance vérité et dignité, chargée d'enquêter sur les violations des droits de l'homme du passé, Imed Trabelsi, neveu de Leila Trabelsi – l'épouse de Ben Ali – , a décrit un système bien huilé grâce à la complicité de douaniers, de hauts fonctionnaires et de ministres. «Il y a eu une révolution [en 2011] mais rien n’a changé à ma connaissance. J’ai mes échos et le même système [de corruption] est encore opérationnel», a-t-il avancé. Dans la foulée, les autorités ont annoncé l'ouverture d'une enquête.

Le sud tunisien sous tension

La vaste région de Tataouine, où se trouve le complexe pétrolier d'El-Kamour, a été le théâtre de violents troubles sociaux ces derniers jours. Un sit-in organisé depuis plusieurs semaines, sur la base de revendications sociales, à proximité de ce site énergétique a dégénéré en heurts le 22 mai.

Un manifestant a été tué, «accidentellement» selon les autorités, par un véhicule de la Garde nationale et les violences ont gagné la préfecture de Tataouine, à deux heures de route du site pétrolier d'El-Kamour. Plusieurs dizaines de personnes, dont une vingtaine de membres des forces de l'ordre, ont été blessées. Les postes de la police et de la gendarmerie de Tataouine ont été incendiés, et une information judiciaire a été ouverte.

Des milliers de personnes en colère ont assisté le 23 mai près de Tataouine aux funérailles du manifestant tué. «Avec nos âmes, avec notre sang, nous nous sacrifierons pour le martyr», ont scandé certains participants en marge des funérailles de Anouar Sakrafi, qui se sont déroulées dans le calme, en l'absence du moindre dispositif policier.

Parallèlement, une grève générale a été décrétée le même jour dans la ville voisine de Douz. Plusieurs véhicules ont été incendiés pendant la journée.

Le calme est ensuite revenu à Tataouine et à El-Kamour, tandis que les autorités ont mis en garde contre un risque d'escalade dans ce pays marqué par plusieurs épisodes difficiles depuis sa révolution de 2011.