Le prix de «l'arrogance» : le parquet a requis le 23 mai 18 mois de prison avec sursis et l'interdiction pour cinq ans de toute activité dans la fonction publique contre Boris Boillon, ancien «Sarko boy» et ex-ambassadeur de France en Tunisie et en Irak.
Celui qui avait posé dans un magazine people sous le titre «James Bond de la diplomatie», déjà remarqué pour ses maladresses en tant que diplomate, avait été interpellé le 31 juillet 2013 gare du Nord à Paris avec 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Le parquet a requis la confiscation de la totalité de la somme saisie sur l'ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, qui sera fixé sur son sort le 7 juillet au tribunal correctionnel de Paris.
«Beaucoup de peine à intégrer la notion de conflit d’intérêt»
Le procureur Nicolas Baïetto a fustigé «l'arrogance» de l'ex-ambassadeur devenu homme d'affaires, qui a vu dans l'action des douaniers un «complot» contre lui, n'exprimant à l'audience que des «regrets nombrilistes». «Où est le scandale d'Etat quand on découvre des sommes transportées de manière illicite? Le scandale est dans le fait que Boris Boillon, aujourd'hui encore, a beaucoup de peine à intégrer la notion de conflit d'intérêt», a estimé le procureur.
Boris Boillon, un temps suspendu du Quai d'Orsay, comparaît pour défaut de déclaration – la loi impose de déclarer le transport d'espèces au-dessus de 10 000 euros dans l'Union européenne –, faux et usage de faux, blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux. Le parquet a aussi demandé au tribunal de faire droit aux demandes de l'administration, qui a réclamé une amende équivalente à un quart de la somme saisie, soit 95 036 euros, et 50 000 euros au titre de l'impôt sur le revenu. Il a également requis une interdiction de gérer une société pendant cinq ans.
Son avocat Jean Reinhart a demandé la relaxe pour l'ensemble des poursuites, à l'exception de l'amende douanière, soutenant que son client s'était «égaré» en retournant en Irak mais était «injustement raillé par la presse».
L'ex-diplomate estime avoir mérité son «salaire de la peur»
Combatif, l'ancien ambassadeur a raconté à l'audience qu'il se trouvait alors en «apesanteur» entre l'Irak, où il avait lancé une activité de conseil, et la France. Il a dit avoir gagné cette somme en jouant les intermédiaires pour une société irakienne, en particulier dans un grand projet de BTP – autour duquel flotte un «lancinant parfum de corruption», selon le président du tribunal Peimane Ghaleh-Marzban. L'argent lui est remis en mai 2013 par un homme d'affaires irakien sous forme de quatre «pains» plastifiés de billets neufs. Billets qui tomberont dans le filet des douanes.
Crânement, l'ex-diplomate a estimé avoir mérité son «salaire de la peur» et justifié des transactions en liquide par les défaillances du système bancaire irakien et les coutumes orientales : «A Rome, on fait comme les Romains», a-t-il dit avec aplomb.
Le procureur a balayé les dénégations de Boris Boillon, qu'il voit «prêt à recommencer» si l'occasion se présentait.
Maître Reinhart a au contraire dénoncé un acharnement contre son client, qui «paye le fait d'avoir été ambassadeur» et de faire depuis des affaires, même si tout est légal. Toucher une commission pour avoir facilité un contrat, comme un agent immobilier prend 5 % d’une vente, «c’est toujours très choquant», reconnaît l'avocat.