L’Ukraine devra mettre la main à la poche pour la mise en œuvre des nouvelles sanctions prises contre la Russie. Le projet de loi controversé signé le 16 mai par le président ukrainien Petro Porochenko interdit les réseaux sociaux russes VKontakte et Odnoklassniki, très populaires en Ukraine, ainsi que les antivirus des laboratoires Kaspersky, les moteurs de recherche Yandex et Mail.ru, les outils commerciaux développés par l'éditeur russe 1C Company et plusieurs médias russes.
Mais cette interdiction risque de coûter une fortune à Kiev. «S’il s’agit de cet ordre présidentiel, il doit être mis en œuvre après son entrée en vigueur. Quant aux prochaines mesures, la mise en œuvre prendra un an ou deux ou même plus, un milliard de dollars de l’Etat est nécessaire», a déclaré le président de l'ONG Association de l'internet ukrainien, Alexandre Fedienko, à la chaîne de télévision ukrainienne 112.
En outre, de nombreux Ukrainiens perdront leur travail à cause de ces sanctions. Selon l’ancien chef de la filiale ukrainienne de Yandex, Sergueï Petrenko, plusieurs centaines de citoyens ukrainiens seront licenciés dans cette seule entreprise. Etant donné que plusieurs succursales ukrainiennes des éditeurs russes de logiciel seront touchées par ces sanctions, des milliers de programmeurs et d’administrateurs système seront aussi privés de travail.
Toutes les entreprises russes visées ont déclaré rester en dehors de toute considération politique et estiment que ce sont les Ukrainiens qui souffriront le plus des sanctions. Ces sociétés estiment également que ces mesures restrictives n’auront pas d'influence sur leur travail. Ainsi, le laboratoire Kaspersky a déclaré que les sanctions n’empêcheraient pas la propagation de ses logiciels antivirus en Ukraine. Yandex estime aussi que ce seront les 11 millions d'utilisateurs et les organisations ukrainiennes utilisant ses services qui souffriront le plus.
Services touchés par les sanctions
Hormis les populaires réseaux sociaux russes, les sanctions visent plusieurs services utiles (météo, taxi...). Les activités de la société ABBYY, concepteur russe de dictionnaires électroniques et de logiciels d'intelligence artificielles, dont les technologies sont utilisées par des corporations comme Microsoft et Samsung, seront également interdites en Ukraine.
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Des centaines de milliers de sociétés ukrainiennes devront en outre trouver un nouveau moyen de tenir leur comptabilité, car Kiev a aussi décidé de sanctionner l’éditeur russe 1C Company, dont les programmes sont utilisés par les comptables de quelque 300 000 entreprises ukrainiennes.
Le blocage des sites peut être contourné
Les fournisseurs ukrainiens d’accès à internet qui ne bloqueront pas l’accès aux sites interdits feront eux-mêmes face à de sévères sanctions. Selon la Commission nationale ukrainienne de régulation des communications électroniques, ils devront régler une amende équivalente à 200 fois le salaire minimum en cas de non-exécution.
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Néanmoins, nombreux sont les commentateurs soulignant que cette interdiction pouvait être facilement contournée à l’aide de services proxy. Selon Alexandre Fedienko, le seul moyen efficace d’appliquer la nouvelle loi est de «bloquer non seulement les sites internet mais aussi l’ensemble des systèmes autonomes où ces sites et autres plateformes sont situés».
Le responsable du Conseil ukrainien de sécurité nationale et de la défense, Valentin Petrov, a toutefois reconnu ce 17 mai que les autorités ukrainiennes ne seraient pas d'empêcher complètement l’accès aux réseaux sociaux VKontakte et Odnoklassniki, et que leurs utilisateurs pourraient trouver le moyen contourner le blocage.
Les sanctions ukrainiennes ne sont pas conformes aux valeurs européennes, selon l’Allemagne
Le ministère allemand des Affaires étrangères a exprimé des réserves concernant les récentes sanctions ukrainiennes contre la Russie. «Nous prenons acte avec une certaine inquiétude les nouvelles sanctions du gouvernement ukrainien prises hier à l’encontre de la Russie», a déclaré le porte-parole de la diplomatie allemande Martin Schafer.
«Les sanctions de Kiev ne sont pas conformes aux valeurs européennes, mais l’Ukraine n’est pas candidate à l’adhésion à l’UE», a-t-il nuancé.