Dans son programme politique rendu public le 1er mai, le mouvement palestinien Hamas estime qu'«un Etat palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, [...] est une formule de consensus national».
«Nous sommes prêts à coopérer avec quiconque pouvant nous aider à obtenir [un tel Etat]», a ajouté le chef du Hamas, Khaled Mechaal, lors d'une conférence de presse à Doha. En assurant accepter un Etat limité à la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, le Hamas endosse les frontières déjà reconnues par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont il ne fait pas partie.
En outre, le document affirme que le Hamas est «en conflit avec le projet sioniste et non avec les juifs en raison de leur religion». Le Hamas insiste pourtant sur le fait qu'il ne reconnaît pas l'Etat hébreu et un document rendu public évoque «la Palestine, du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée».
Le mouvement prend par ailleurs ses distances avec les Frères musulmans égyptiens. «Idéologiquement, nous faisons partie de l'école frériste [...] mais nous ne suivons aucun mouvement en termes d'organisation», a précisé Khaled Mechaal – un gage donné au voisin égyptien, selon les observateurs.
«Le Hamas est un mouvement vivant qui se renouvelle», a encore plaidé Khaled Mechaal. Avec l'annonce de ces changements, le mouvement entend s'ouvrir au dialogue avec les autres forces palestiniennes mais surtout avec les capitales étrangères qui, jusqu'ici, refusent tout dialogue officiel avec le Hamas, qui contrôle depuis dix ans la bande de Gaza.
Cette annonce précède de 48 heures la première rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue palestinien Mahmoud Abbas, à couteaux tirés avec le Hamas. Khaled Mechaal a quant à lui dit à l'AFP espérer que la nouvelle administration américaine «agi[rait] plus sérieusement pour la cause palestinienne et change les conceptions erronées au sujet du peuple palestinien».
Le Hamas «se moque du monde»
Israël a toutefois déjà répliqué qu'il n'était pas convaincu. Le Cogat, l'organe du ministère israélien de la Défense en charge des territoires de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, a estimé que le Hamas «se moqu[ait] du monde en essayant de se présenter, via ce soi-disant document, comme une organisation éclairée».
«Ils creusent des tunnels pour mener des actes terroristes et tirent des milliers et des milliers de missiles sur les civils israéliens», a accusé David Keyes, porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, dans un communiqué.
Le Hamas a combattu à trois reprises, aux côtés d'autres mouvements armés, l'armée israélienne à Gaza depuis 2008. Et le mouvement refuse, selon les mots de Khaled Mechaal, «que quiconque porte attente à la résistance».
«Considérer la charte de 1988 comme caduque fait débat depuis des années au Hamas. Pour ne pas l'abroger, un nouveau document a été rédigé pour établir les positions politiques du Hamas», explique à l'AFP Leïla Seurat, chercheur associé au Centre de recherches internationales (CERI). Pour cette spécialiste du Hamas, la reconnaissance des frontières de 1967 n'implique «pas une reconnaissance d'Israël». «La seule nouveauté, c'est qu'il l'inscrit pour la première fois dans un document propre au mouvement» et qui vaut également pour sa branche armée, souligne-t-elle.
Le Hamas doit annoncer sous deux semaines le nom du successeur de Khaled Mechaal, qui incarne l'aile pragmatique et conciliante du Hamas et qui a joué, selon Leïla Seurat, «un rôle fondamental» dans la rédaction du document présenté le 1er mai. Le vainqueur pressenti est Ismaïl Haniyeh, qui se trouve sur la même ligne politique.
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