Dans la soirée du 17 avril, quelque 2 000 personnes sont descendues dans les rues d'Istanbul pour manifester contre le résultat du référendum sur l'extension des pouvoirs présidentiels, accepté par le peuple à une courte majorité le 16 avril.
«Côte-à-côte contre le fascisme», ont scandé les manifestants en arpentant les rues de Kadikoy sur la rive asiatique d'Istanbul, se dirigeant vers le siège du Haut-Conseil électoral. Près d'un autre millier de protestataires se sont réunis à Besiktas, sur la rive européenne, un autre quartier résolument laïc et anti-Erdogan de la métropole.
Les manifestants ont brandi des tracts sur lesquels il était inscrit : «Nous avons raison, le non gagnera». Au cours de leur marche, ils scandaient «Le non n'est pas fini» et «Le non a gagné». Dans les rues où passaient les manifestants, aux fenêtres des appartements, les gens tapaient sur des casseroles avec des ustensiles de cuisine, en signe de solidarité.
La police est restée globalement discrète lors de ces manifestations tout en mettant en garde contre l'utilisation de slogans jugés insultants. D'autres manifestations de ce type, mais plus petites, ont eu lieu un peu partout en Turquie. Les médias turcs ont rapporté que 13 personnes avaient été interpellées à Antalya, dans le sud du pays.
Le résultat du scrutin, qui proclamait la victoire du «oui» avec 51,4% des voix, a été immédiatement contesté par les deux principaux partis d'opposition, le CHP (social-démocrate) et le HDP (pro-kurde), qui ont dénoncé des «manipulations» pendant le scrutin, annonçant leur intention de demander le recomptage des voix.
La mission commune des observateurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe a aussi estimé que le scrutin n'avait «pas été à la hauteur des critères européens». Ce qui n'a visiblement pas ému le président Recep Tayyip Erdogan, qui célébrait sa victoire au palais présidentiel d'Ankara le soir-même.
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Fort de sa victoire, Erdogan s'est fait vindicatif
«Ils [les observateurs] préparent un rapport à leur goût […] Nous n'accorderons aucune attention à quelque rapport politiquement motivé que vous puissiez préparer», a lancé le président turc à l'intention des observateurs internationaux devant ses partisans à Ankara, rejetant par avance toute critique. Quelques heures plus tôt, le chef de la diplomatie turque, Mevlut Сavusoglu, avait déjà dénoncé une «approche biaisée et partiale» des premières conclusions de la mission d'observation de l'OSCE.
Lors des célébrations, l'exécutif turc a envisagé aussi de proposer un référendum pour trancher la question de la poursuite ou non des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. «Ils nous font attendre à la porte de l'Union européenne depuis 54 ans, n'est-ce-pas ? [...] Nous pourrons aller au-devant de notre peuple, et nous obéirons à sa décision», a-t-il lancé.
«L'Union européenne menace de geler les négociations. A vrai dire, ce n'est pas très important pour nous. Qu'ils nous communiquent leur décision !», a-t-il ajouté.
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L'UE appelle la Turquie à une «enquête transparente»
L'Union européenne a appelé le 18 avril la Turquie à «lancer une enquête transparente» sur les irrégularités présumées qui avaient été constatées par des observateurs dans le référendum du 16 avril sur l'extension des pouvoirs présidentiels.
«Nous appelons tous les acteurs à faire preuve de retenue et les autorités à lancer une enquête transparente sur les irrégularités présumées qui ont été constatées par les observateurs internationaux», a déclaré le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, lors d'un point de presse à Bruxelles.
Il a également mis en garde Recep Tayyip Erdogan qui avait évoqué la tenue à l'avenir d'un référendum sur le rétablissement de la peine de mort dans son pays, prévenant que cela constituerait «non seulement une ligne rouge, mais la plus rouge des lignes».
«Cela serait un signal clair que la Turquie ne veut pas devenir un membre de la famille européenne», a-t-il estimé. «Comme le président de la Commission Jean-Claude Juncker l'a dit par le passé, nous encourageons la Turquie à se rapprocher à nouveau de l'Union européenne, et pas à s'éloigner encore et toujours davantage de nous», a insisté Margaritis Schinas.