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Les débats visant à interdire les armes nucléaires ont commencé à l'ONU, sans les grandes puissances

Plus de 100 pays ont lancé à l'ONU des négociations inédites sur un traité interdisant les armes nucléaires, convaincus qu'il réduirait le risque d'une guerre atomique, malgré les objections des grandes puissances.

Les négociations portant sur l'interdiction des armes nucléaires ont démarré le 27 mars à l'ONU, avec pour base un texte légalement contraignant décidé en octobre et soutenu par 123 pays membres des Nations unies. 

La plupart des puissances nucléaires, déclarées ou non, avaient néanmoins soit voté contre ces négociations (Etats-Unis, France, Israël, Royaume-Uni, Russie), soit s'étaient abstenues (Chine, Inde, Pakistan).

Même le Japon, seul pays à avoir subi, en 1945, le feu nucléaire, a voté non, inquiet de voir l'absence de consensus sur ces négociations «saper les avancées sur un désarmement nucléaire effectif».

En tout, près de 40 pays ont séché le début des discussions le 27 mars, a précisé l'ambassadrice américaine aux Nations unies Nikki Haley. 

«L'Assemblée générale veut subitement que des négociations se tiennent pour interdire les armes nucléaires. En tant que mère, en tant que fille, il n'y a rien de plus que je veuille pour ma famille qu'un monde sans armes nucléaires, mais nous devons être réalistes. Y a-t-il quelqu'un qui pense que la Corée du Nord accepterait d'interdire les armes nucléaires ? La Corée du Nord applaudirait, mais nous tous, et les personnes que nous représentons, seraient en danger», a-t-elle déclaré aux journalistes aux Nations unies. 

Mais l'opposition de ces pays n'a pas dissuadé les nations en pointe sur ce dossier comme l'Autriche, l'Irlande, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud ou la Suède, ni les centaines d'ONG engagées à leurs côtés. 

Face à la multiplication des foyers de tensions, aux menaces de la Corée du Nord, et à une nouvelle administration américaine, ils ont décidé de prendre les devants, inspirés par les mouvements qui ont mené aux conventions internationales interdisant les armes à sous-munitions (signée en 2008) ou les mines anti-personnel (1997).

«Jamais le bon moment»

Aucune avancée n'a été enregistrée ces dernières années en matière de désarmement nucléaire, malgré les engagements pris par les grandes puissances dans le cadre du Traité sur la non-prolifération (TNP), a déploré Beatrice Fihn, directrice de l'ICAN (International campaign to abolish nuclear weapons), une coalition internationale d'ONG mobilisées sur ce dossier. 

«Il y a eu beaucoup d'efforts à la fin de la guerre froide, et puis ça s'est arrêté [...] L’administration Obama a déçu, elle avait fait des promesses mais ne les a pas tenues. Maintenant les craintes sont exacerbées avec le nouveau président», a-t-elle affirmé.

Forte de l'expérience sur les armes à sous-munitions ou les mines anti-personnel, Beatrice Fihn estime qu'il y a de «bonnes chances» qu'un traité soit adopté, si ce n'est dès la première phase de négociations qui se terminera le 7 juillet, au moins d'«ici deux ans».

Pour elle, peu importe que les puissances nucléaires boudent les débats, l'adoption d'un tel traité les obligerait tôt ou tard à revoir leur politique, même si elles sont engagées aujourd'hui dans la modernisation de leur arsenal nucléaire.

Les représentants des Etats-Unis et de la France avaient expliqué en octobre leur opposition par la nécessité, en matière de désarmement, de «procéder par étapes», sans chambouler l'équilibre stratégique actuel ou mettre en péril la dissuasion.

«C'est comme les grands fumeurs, ce n'est jamais le bon moment pour arrêter», a jugé Beatrice Fihn. «Mais la tendance est là : dans ce monde multipolaire, beaucoup de pays pensent qu'ils n'ont pas besoin d'attendre les grandes puissances pour agir».

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