International

Premier revers judiciaire pour le nouveau décret migratoire de Trump

Le nouveau décret migratoire du président américain Donald Trump a rencontré un premier obstacle judiciaire majeur, un juge fédéral empêchant d'interdire l'arrivée de l'épouse et l'enfant d'un Syrien déjà réfugié aux Etats-Unis.

Malgré l'approbation du décret sur la migration de Donald Trump qui interdit l'entrée à tous les réfugiés durant 120 jours et suspend l'octroi de visas durant 90 jours pour les ressortissants d'Iran, de Libye, de Syrie, de Somalie, du Soudan et du Yémen, un musulman sunnite syrien a réussi à convaincre le juge de laisser sa famille arriver aux Etats-Unis. Il avait fui la Syrie en 2014 afin d'échapper à une «mort quasi-certaine», selon les documents adressés au tribunal. Ayant trouvé refuge aux Etats-Unis, il a ensuite déposé une demande d'asile pour sa femme et leur fille, restées à Alep.

La procédure s'approchait du feu vert final à leur venue, quand elle a été stoppée par les directives anti-immigration de Donald Trump. L'homme a saisi la justice en conservant son anonymat et a convaincu le juge William Conley, qui siège à Madison dans l'Etat du Wisconsin, de la nécessité de prendre une injonction de suspension temporaire du décret, en attendant un débat ultérieur en profondeur.

«Le plaignant a présenté des arguments sur le fond qui ont des chances d'être validés. Notamment le fait que sa famille risquerait de subir des dommages irrémédiables si elle restait en Syrie», a souligné le magistrat dans sa décision.

La décision du magistrat William Conley ne s'applique qu'à cette famille menacée par la guerre en Syrie, mais elle développe une forte dimension symbolique. C'est en effet le premier coup porté par la justice au nouveau décret remanié, pourtant présenté par le gouvernement comme n'offrant plus aucun angle de contestation possible.

Le nouveau décret migratoire de Donald Trump est parallèlement attaqué en justice par plusieurs Etats démocrates et diverses organisations indépendantes, ce qui augure d'une grande bataille judiciaire, avec des appels et de multiples recours inévitables.

Donald Trump a d'ailleurs montré ces derniers jours une volonté de reprise de contrôle de l'institution judiciaire. Le ministère de la Justice a demandé le 10 mars à 46 procureurs fédéraux nommés par Barack Obama et encore en poste de présenter leur démission. Le plus en vue d'entre eux, le procureur de Manhattan Preet Bharara, a annoncé avoir été brutalement démis de ses fonctions, après avoir refusé de démissionner la veille.

«Je n'ai pas démissionné. J'ai été renvoyé il y a quelques instants», a écrit sur Twitter Preet Bharara, qui s'est bâti une réputation de combattant inflexible de la délinquance en col blanc et de la corruption publique dans son district concentrant les puissances financières, dont celle de Donald Trump.

Lire aussi : Donald Trump signe un nouveau décret migratoire, son secrétaire d'Etat le juge «vital»

Le nouveau décret migratoire ferme temporairement les frontières américaines aux réfugiés du monde entier et aux citoyens de six pays à majorité musulmane.

Adopté le 6 mars pour application le 16 mars, il interdit l'entrée à tous les réfugiés durant 120 jours et suspend l'octroi de visas durant 90 jours pour les ressortissants d'Iran, de Libye, de Syrie, de Somalie, du Soudan et du Yémen. Ce décret est une forme atténuée de la version du 27 janvier qui avait provoqué une onde de choc dans le monde et avait été suspendue le 3 février par un juge fédéral de Seattle. Parmi les Etats ayant lancé des recours contre la nouvelle mouture, ou ayant annoncé leur intention de le faire, figurent Hawaï, le Maryland, l'Etat de Washington, le Minnesota, l'Etat de New York ou l'Oregon.

La discrimination religieuse, question clé

Plusieurs audiences cruciales sont prévues le 15 mars, les parties mettant actuellement les bouchées doubles pour peaufiner leurs argumentaires écrits adressés aux tribunaux.

Pour sa part, l'ACLU, puissante organisation de défense des libertés, a annoncé le dépôt d'un recours fédéral contre le nouveau décret aux côtés d'autres associations défendant les réfugiés.

Le nouveau décret, comme le précédent, «a été motivé par un sentiment anti-musulman et discrimine explicitement sur la base des origines nationales», avancent ces organisations. La Maison Blanche invoque le renforcement de la sécurité nationale et veut mettre en place une politique de «vérification extrême» aux frontières pour empêcher des infiltrations djihadistes. L'opinion américaine est très divisée sur la question, montrent les sondages.

Lire aussi : Bannir des populations c'est mal, mais les massacrer, n'est-ce pas bien pire ?