Pour la quatrième fois en sept jours, un meeting pro-Erdogan a été annulé par une municipalité allemande qui a invoqué des raisons purement logistiques. La ville d'Hambourg a en effet estimé trop vétuste la salle qui devait accueillir le 7 mars le meeting du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.
Comme plusieurs responsables turc, Mevlut Cavusoglu a été missionné pour récupérer le plus de voix possible au sein de la communauté turque d'Allemagne en faveur du «oui» au référendum turc sur la réforme de la Constitution.
L'agence progouvernementale turque Anadolu assure que le meeting aura bien lieu, mais dans une autre salle. Le Premier ministre turc Binali Yildirim a déclaré le 6 mars espérer qu'il n'y ait «pas davantage d'escalade sur cette question».
La Turquie avait déjà très mal pris les critiques allemandes, exprimées face aux purges qui ont suivi le putsch manqué de juillet 2016, sur le respect de la liberté d'expression et des droits de l'opposition turque.
Le gouvernement allemand a déjà souligné être étranger à ces annulations en série, qui relèvent de la compétence des seules municipalités. Mais pour Ankara, Berlin mène campagne contre Erdogan.
«A l'adresse de notre partenaire turc, soyons critiques là où cela est nécessaire mais ne perdons pas de vue la signification de notre partenariat [...] gardons la tête froide», a lancé devant la presse Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel. Il a également qualifié «d'absurdes et déplacées» les accusations de Recep Tayyip Erdogan qualifiant de «pratiques nazies» les interdictions de meetings électoraux en faveur du «oui» à l'extension des pouvoirs du président.
Une source gouvernementale turque a indiqué à l'AFP que le ministre turc des Affaires étrangères et son homologue allemand Sigmar Gabriel s'étaient entretenus au téléphone dans la soirée du 6 mars, sans donner plus de détails sur la teneur de cet appel.
Craintes allemandes
Recep Tayyip Erdogan s'est dit prêt à faire campagne en Allemagne, assurant que si les autorités l'en empêchaient, il mettrait «le monde sens dessus dessous».
Cette déclaration a de quoi inquiéter Berlin, qui abrite la plus grande diaspora turque au monde, avec environ trois millions de citoyens conservant souvent un lien fort avec leur pays d'origine.
Le gouvernement Merkel a déjà appelé ces derniers mois cette communauté à ne pas importer les différents conflits qui agitent la Turquie, entre partisans et détracteurs de Recep Tayyip Erdogan d'une part, et Turcs et Kurdes d'autre part.
Pour les forces politiques turques, cette diaspora s'avère particulièrement importante car elle représente un réservoir de voix non négligeable. Et ce d'autant que les 1,4 million d'électeurs turcs vivant en Allemagne sont en majorité pro-Erdogan.
«Le résultat du référendum demeure incertain et le gouvernement tente de saisir toute opportunité pour obtenir un avantage politique», relève Sinan Ulgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (Edam) basé à Istanbul. Selon lui, l'essentiel de la classe politique, opposition comprise, est d'ailleurs critique des récentes interdictions de manifestations politiques en Allemagne.
Ce dossier est loin d'être la seule source de tensions entre Ankara et Berlin. L'Allemagne a aussi dénoncé avec virulence l'incarcération, la semaine dernière, du correspondant germano-turc du quotidien Die Welt, Deniz Yücel, accusé de «propagande terroriste».
Ankara reproche de son côté à l'Allemagne d'héberger des «terroristes», qu'il s'agisse de sympathisants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé organisation «terroriste» par Ankara, Bruxelles et Washington, ou de putschistes présumés.
Berlin a enregistré ces derniers mois des milliers de demandes d'asile de ressortissants turcs, notamment de dizaines de diplomates et militaires.
La Turquie reste un partenaire incontournable de l'Allemagne, le rôle d'Ankara étant crucial, selon elle, pour ralentir l'afflux de réfugiés en Europe.