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Erdogan évoque des «pratiques nazies» après l’annulation par l'Allemagne de meetings de ses soutiens

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a assimilé à des «pratiques nazies» l'annulation de meetings en Allemagne durant lesquels devaient s'exprimer certains de ses ministres, faisant encore monter d'un cran les tensions entre les deux pays.

Le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan n'a pas hésité à évoquer des «pratiques nazies» pour montrer sa colère en qualifiant ainsi l'annulation de meetings de ses soutiens en Allemagne.

«Vos pratiques ne sont pas différentes de celles des nazis», a asséné Erdogan à Istanbul lors d'un événement en faveur du référendum sur l'extension de ses pouvoirs, organisé par l'Association des femmes et de la démocratie (Kadem), dont la vice-présidente est sa fille cadette.

«Je pensais que l'Allemagne avait renoncé depuis longtemps [à ces pratiques]. Nous nous étions trompés», a-t-il poursuivi, dans un stade d'Istanbul pouvant accueillir jusqu'à 12 500 personnes. «Vous nous faites des leçons de démocratie, puis vous empêchez les ministres de ce pays de s'exprimer là-bas».

De son côté, Berlin a réagi aux propos du président turc en dénonçant des paroles «absolument inacceptables». «Nous allons, en tant que gouvernement fédéral, le faire savoir très clairement» à la Turquie, a déclaré Peter Altmeier, chef de la Chancellerie fédérale allemande et proche d'Angela Merkel, dans une intervention sur la chaîne publique allemande ARD.

Les relations entre Ankara et Berlin se sont nettement tendues après l'annulation jeudi et vendredi en Allemagne de meetings de soutien au référendum du 16 avril. La Turquie avait réagi très violemment, accusant l'Allemagne d’œuvrer pour une victoire du non.

La chancelière Angela Merkel avait expliqué que la décision d'autoriser ou non ces meetings ne relevait pas de l'Etat fédéral, mais était du ressort des communes. 

Les tensions entre Berlin et Ankara semblaient pourtant s'être calmées la veille après un appel entre la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre turc Binali Yildirim, que celui-ci avait qualifié de «productif». Les ministres des Affaires étrangères des deux pays doivent se rencontrer à ce sujet mercredi 8 mars.

En dépit des interdictions, le ministre turc de l'Economie Nihat Zeybekçi devait prendre part dimanche à deux rassemblements organisés par des groupes turcs à Cologne et Leverkusen. Avant son départ de Turquie, il a répété que la décision d'annuler ces meetings ne pouvait «évidemment pas» être acceptée.

Un porte-parole de la police de Cologne a déclaré à l'AFP qu'une centaine de policiers étaient à disposition pour assurer la sécurité de l'événement.

Le ministre de la Justice Bekir Bozdag, dont un meeting à Gagguenau (sud-ouest) jeudi a également été annulé, a affirmé dimanche la chose suivante : «La commune qui a annulé mon meeting est sous forte pression des terroristes».

La Turquie accuse régulièrement l'Allemagne d'héberger des terroristes, que ce soient des sympathisants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé organisation terroriste par Ankara, Bruxelles et Washington, ou des putschistes présumés.

Réponse collective

L'Allemagne compte la plus forte diaspora turque dans le monde, soit trois millions de personnes, courtisée par les différents partis avant chaque scrutin majeur en Turquie.

Les turbulences entre Berlin et Ankara, constantes depuis le putsch manqué de juillet en Turquie, se sont aggravées après l'incarcération lundi pour «propagande terroriste» du correspondant germano-turc du quotidien Die Welt en Turquie, Deniz Yücel.

Recep Tayyip Erdogan a présenté vendredi 3 mars Deniz Yücel comme un représentant du PKK et un agent allemand. Une accusation jugée aberrante par Berlin.

D'autres dirigeants européens ont pris part au débat, comme le chancelier autrichien Christian Kern, qui a appelé pour sa part à «une réponse collective de l'UE pour empêcher de tels événements de campagne». Cela permettrait selon lui à des pays comme l'Allemagne, où ces manifestations sont interdites, d'échapper à la pression de la Turquie.

Une proposition fustigée sur Twitter par le ministre turc des Affaires européennes, Ömer Celik, dans une série de tweets publiés en turc et en anglais. 

«Aussi bas que soit le niveau de respect des valeurs fondamentales de pays comme l'Autriche, nous continuerons à leur rappeler ces valeurs fondamentales», a-t-il écrit, affirmant que de telles attitudes ne faisaient que «renforcer les mouvements d'extrême droite».

Par ailleurs, tandis que le gouvernement néerlandais avait jugé le 3 mars indésirable la tenue le 11 mars d'un meeting pro-Erdogan à Rotterdam, le député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders s'était lui aussi dit opposé à la participation du ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu à ce rassemblement, estimant qu'«ils ne devraient pas venir et s'ingérer dans nos affaires intérieures».

Alors que ce rassemblement aux Pays-Bas intervient en pleine campagne électorale pour les législatives du 15 mars, le ministre turc de la Justice a affirmé samedi que la décision néerlandaise ne reposait que sur un objectif électoraliste.