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Assad : «Les terroristes ont le soutien de nombreux pays occidentaux, dont la France»

Dans une interview à Europe 1 et TF1 réalisée à Damas, le président syrien Bachar el-Assad est revenu sur le conflit en cours, fustigeant l'Occident, y compris Paris, qu'il accuse d'ingérence dans les affaires syriennes et de soutien au terrorisme.

Pour Bachar el-Assad, «le chemin sera encore long pour gagner la guerre contre le terrorisme», étant donné que le groupes terroristes dits «rebelles» reçoivent le soutien militaire et financier de nombreux pays occidentaux, «dont la France».

En effet, si, pour la France, Daesh reste le véritable ennemi, «il s'agit d'une conséquence et non du problème d’origine», car l'idéologie de Daesh est la même que celle que défendent les groupes dits «rebelles» tels que le front Al-Nosra. «Vous [l'Occident] devriez donc vous inquiéter de ces terroristes, qui n’ont que faire d’appartenir à Daesh ou à Al-Nosra. Ils mettent en œuvre ce que leur idéologie leur commande de faire, c'est-à-dire essentiellement des actes terroristes [...] et passent d’une organisation à une autre, car toutes ces organisations ont la même idéologie : l’idéologie wahhabite qui est l'origine de ce terrorisme», explique Bachar el-Assad aux journalistes Michel Scott (TF1) et Fabien Namias (Europe1).

«Les principaux médias et les milieux politiques occidentaux ont soutenu au tout début, ces soi-disant modérés. Ils ont dit au début qu’il s’agissait de manifestants pacifiques, après quoi ils ont dit qu’ils n’étaient plus si pacifiques, qu’ils étaient des combattants, mais toujours "modérés". Mais en fait, ils ne réalisaient pas qu’ils soutenaient la base même d'Al-Qaïda et de Daesh», ajoute le président syrien.

Le chef d'Etat syrien explique ensuite que la France ne dissimule même pas son soutien aux terroristes en Syrie «depuis le premier jour» et est directement responsable des tueries dans [le] pays. : «Ce sont eux qui le disent [...] François Hollande a même récemment déclaré que cela avait été une erreur de ne pas avoir déclenché la guerre en 2013. Ce sont eux qui ont dit qu'ils envoyaient de l’armement à ce qu’ils appellent des groupes "modérés", et qui sont en fait des terroristes [...] Ils s'accusent eux-mêmes».

François Hollande «touche le fond»

Les journalistes ont ensuite demandé à Bachar el-Assad s'il suivait la campagne présidentielle française et ont voulu connaître son opinion à propos de François Hollande. Le chef d'Etat syrien a répondu qu'il suivait la campagne «dans les grandes lignes, pas dans les détails» car dans tous les cas, les dirigeants occidentaux trompent la population : «Ce qu'ils disent, c'est pour gagner les électeurs, et non dans l'intérêt de leur pays».

Quant au président François Hollande, Bachar el-Assad explique sèchement : «Pour être franc, je ne me soucie aucunement de lui avec ses 11% de popularité, ce qui je pense s’appelle toucher le fond comme jamais aucun de ses prédécesseurs dans l’histoire de France.»

L'Occident n’a pas à choisir entre moi et Daesh. C’est à mon peuple de le faire

S'exprimant sur les positions occidentales à propos de sa politique, Bachar el-Assad a violemment fustigé l'Occident pour son ingérence dans les affaires syriennes : «L'Occident n’a pas à choisir entre moi et Daech. C’est à mon peuple de le faire. Parce que c’est une question purement syrienne. Donc nous n’avons que faire de ce que les responsables occidentaux pensent de tout cela. Ils feraient mieux de s’inquiéter de leur propre population, de les protéger des attaques terroristes qui ont lieu à cause de leur politique», a-t-il déclaré

Le gouvernement syrien en contact avec le renseignement français

Si le président syrien affirme que son gouvernement n'a établi de contact avec aucun candidat à la présidentielle française, il déclare cependant être en contact régulièrement avec les services secrets français, a grand étonnement des journalistes :

Dans certains cas, nous avons eu des contacts indirects [...] lors de la visite d’une délégation parlementaire en Syrie, un des membres de la délégation était du service de renseignement [français]. Donc, ces contacts existent. Bien sûr le gouvernement français a déclaré qu’il s’agissait d'une délégation parlementaire, mais qu'il n'était pas concerné et qu'il désapprouvait. Ce n’est pas vrai : il y a bien entendu plusieurs canaux de communications».

Le rapport d'Amnesty International basé sur des «allégations sans preuves»

Interrogé par les journalistes sur le rapport d'Amnesty International qui évoquait entre 5000 et 13 000 prisonniers exécutés dans la prison de Saydnaya près de Damas, Bachar el-Assad a évoqué une manipulation : «Dans ce cas précis, on ne parle pas de faits [...] il est honteux qu’[Amnesty International] se mette à bâtir un rapport sur la base de simples allégations. Ce rapport est bâti sur des allégations ! Pas un seul document ; pas une seule preuve. Ils n’ont même pas parlé de 13 000 morts, ils ont dit entre 5 000 et 13 000. On passe du simple au double ! Cela veut dire qu’il n’y a pas de précision». 

Par ailleurs, il explique : «la peine de mort est légale en Syrie. Cela fait partie du droit syrien depuis l’indépendance. Le gouvernement a donc le droit d’exécuter n’importe qui conformément à la loi. Pourquoi le ferait-il alors de manière illégale ?»

Les journalistes ont alors demandé à Bachar el-Assad s'il accepterait que des observateurs internationaux soient envoyés en Syrie pour constater l'état du système carcéral. Sa réponse a été sèche et précise : 

«Non, nous ne permettrons pas à Amnesty de venir ici. C’est une question de souveraineté. Est-ce que vous accepteriez, si vous le demandez à votre gouvernement, qu’une délégation syrienne soit envoyée chez vous pour enquêter sur les raisons pour lesquelles votre armée sous Nicolas Sarkozy puis sous François Hollande a attaqué les Libyens, et tué des dizaines ou des centaines de milliers d’entre eux ? Est-ce que nous pouvons aller enquêter sur l’argent que Sarkozy a reçu de Kadhafi ?».

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