S'exprimant à la Chambre des communes, Michael Fallon a déclaré aux députés : «Une allégation particulière - selon laquelle des bombes à sous munitions fournies par le Royaume-Uni ont été utilisées en janvier de cette année - a été soulevée à la Chambre le 24 mai dernier [...] La coalition a confirmé qu'un nombre limité de munitions BL-755 exportées du Royaume-Uni dans les années 1980 avaient été utilisées au Yémen, y compris dans l'incident évoqué par Amnesty International non loin de la frontière saoudienne impliquant un avion de coalition.»
Cette confirmation du secrétaire d'Etat à la Défense britannique de l'utilisation de bombes à sous-munitions britanniques au Yémen intervient peu de temps après une analyse du gouvernement de Londres sur le sujet et qui avait déjà indiqué que ces bombes extrêmement dévastatrices fabriquées au Royaume-Uni dans les années 1980 avaient été utilisées par la coalition saoudienne dans la guerre civile au Yémen.
Le ministre britannique de la Défense est sous le feu des projecteurs depuis que le journal The Guardian a révélé le 18 décembre, sources à l'appui, que Michael Fallon était au courant des conclusions d'une enquête gouvernementale affirmant que l'Arabie saoudite utilisait au Yémen des armes à sous-munitions fabriquées au Royaume-Uni.
La Convention sur les armes à sous-munitions, signée en 2008 à Oslo et adoptée par 107 Etats, interdit toute utilisation, stockage, production et transfert de bombes à fragmentation. L'Arabie saoudite, cependant, n'a pas signé la convention.
En raison de leur risque extrême pour les civils, les bombes à fragmentation, qui envoient des éclats sur une zone très large, ont été interdites par le traité international signé par la Grande-Bretagne
Le ministre d'Etat à la Défense du cabinet fantôme, le travailliste Wayne David, a quant à lui affirmé que les révélations sur l'utilisation par Riyadh d'armes à sous-munitions fabriquées au Royaume-Uni au Yémen étaient «extrêmement inquiétantes».
Avant la déclaration de Michael Fallon, le ministère de la Défense britannique avait déjà déclaré que le gouvernement prenait «ces allégations très au sérieux». Un porte-parole du ministère a ajouté : «Nous avons analysé le cas avec soin en utilisant toutes les informations disponibles, en tenant compte de toutes les possibilités, et soulevé la question avec la coalition dirigée par l'Arabie saoudite.»
Andrew Smith, porte-parole de la campagne contre le commerce des armes a déclaré à The Guardian : «L'utilisation de bombes à sous-munitions britanniques par l'Arabie saoudite est caractéristique d'une guerre brutale et d'un régime brutal. Si les forces saoudiennes sont prêtes à utiliser des bombes à sous-munitions, pourquoi le Royaume-Uni continue-t-il d'armer et de soutenir le régime ?»
Selon l'ONG Human Rights Watch, les armes «constituent une grave menace car elles n'explosent pas directement lors de l'impact, devenant ainsi des «mines terrestres».
Amnesty International a appelé à la suspension des ventes d'armes à l'Arabie saoudite. Son directeur britannique Kate Allen a déclaré : «Au cours des dernières années, le Royaume-Uni a vendu pour des milliards et des milliards de livres d'armes, y compris des bombes à fragmentation, à l'Arabie Saoudite. Ce n'est donc pas une surprise que ces armes se retrouvent dans les villages bombardés au Yémen.»
«Des milliers de civils yéménites ont déjà été tués et blessés par les bombardement aveugles de la coalition saoudienne dans les foyers, les hôpitaux, les écoles et les usines [...] Nous n'avons pas besoin d'une "enquête" tardive au sein du ministère de la Défense pour que l'on nous dise ce que nous savions déjà ; que le Royaume-Uni doit suspendre immédiatement toutes les ventes d'armes à l'Arabie Saoudite qui risquent d'alimenter les atrocités commises au Yémen», a ajouté Kate Allen.
Le Premier ministre du gouvernement rebelle Houthi au Yémen, Abdel-Aziz bin Habtour, a précédemment accusé la Grande-Bretagne de crimes de guerre et a déclaré que les politiciens se souciaient plus de faire des profits en ventes d'armes que de mettre un terme à la crise humanitaire dans son pays.
S'exprimant la semaine dernière, le Premier ministre yéménite a déclaré : «Ils [les Britanniques] ont vendu des bombes à fragmentation à l'Arabie Saoudite. Ils savent très bien que les Saoudiens vont les utiliser au Yémen [...] à Saadah, à Sanaa et dans d'autres provinces [...] le Royaume-Uni participe pleinement aux attentats contre le peuple yéménite.»
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