Les arguments d'Andre Sheperd, 39 ans, qui avait deserté de la caserne de Katterbach en 2007 alors qu'il devait partir pour la seconde fois en Irak, n'ont pas été retenus par le tribunal. Sa demande d'asile a donc été rejetée le 17 novembre. Le juge Josef Ruber a en effet estimé qu'Andre Sheperd n'avait pas exploré toutes les options à sa disposition pour quitter l'armée avant de déserter et qu'il n'avait pas cherché à rejoindre une autre unité.
Il a également expliqué que le soldat – qui servait en tant que mécanicien sur un hélicoptère Apache – avait été incapable de prouver qu'il aurait été forcé de commettre des crimes de guerre en retournant en Irak.
Ce jugement est le dernier rebondissement d'une affaire qui n'en finit pas pour Andre Sheperd, depuis qu'il a déposé sa demande d'asile en 2008. Elle avait initialement été rejetée par l'Office fédéral allemand pour la migration et les réfugiés en 2011. L'ancien soldat avait alors fait appel de cette décision en se basant sur la directive européenne sur le statut de réfugié, qui protège les déserteurs ayant été témoins de violations des droits de l'homme pendant des combats.
Selon cette directive, le ressortissant d’un pays tiers qui craint avec raison d’être persécuté peut, sous certaines conditions, être reconnu comme réfugié. Ainsi, un acte de persécution peut notamment prendre la forme de «poursuites ou sanctions pour refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit, lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes».
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L'appel a été transmis à la Cour européenne de Justice, qui a renvoyé l'affaire l'an dernier devant la justice allemande. Celle-ci a finalement rendu son jugement contre les prétentions d'Andre Sheperd le 17 novembre. Les avocats de l'ex-soldat ont prévu qu'ils feraient appel du verdict, selon l'agence de presse DPA.
L'armée américaine en Europe a expliqué de son côte être au courant de l'affaire Sheperd, mais n'a pas souhaité engager de poursuites judicaires. «Nous n'avons pas comme politique de poursuivre proactivement les déserteurs. Mais si Sheperd venait à rentrer sur le territoire américain, son cas serait traité comme le serait celui de tout autre déserteur, en conformité avec la loi, les règlements et ses mérites propres.»
L'ancien soldat est le premier vétéran de la guerre en Irak à demander le statut de réfugié en Allemagne, et seulement le second à l'avoir jamais fait dans un pays européen.
Il affirme que les forces américaines ont fait «tout ce qu'on [pouvait] imaginer en terme de crimes de guerre commis dans l'histoire du monde». Il avait révélé à RT en 2011 qu'elles «continuaient de le faire jour après jour». Se remémorant sa mission en Irak, il avait ajouté : «Les soldats se faisaient attaquer mais ils ne savaient pas d'où, donc ils tiraient au hasard dans toutes les directions.» Même le fait d'être mécanicien sur hélicoptère troublait sa conscience : «J'étais assis là en train de me demander : mais qu'est-ce que je fais ? J'assemble une machine de guerre qui tue des innocents.»
Indépendamment de ce jugement, aujourd'hui marié à une Allemande, Andre Sheperd a le droit de rester en Allemagne.