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Réunion de la coalition anti-EI à Paris : beaucoup de paroles et peu d’actes

La coalition arabo-occidentale contre l’Etat islamique a tenu une grande réunion à Paris mardi. Tout en admettant l’inefficacité de la campagne aérienne actuelle, les alliés n’ont pas adopté de nouvelles mesures d'envergure.

La réunion avait lieu sur fond d’offensive de grande envergure de Daesh en Irak, où le groupe s’est emparé de Ramadi, ville clé à 90 kilomètres seulement de la capitale Bagdad. En Syrie, les djihadistes contrôlent désormais la ville antique de Palmyre inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Manque de nouvelles mesures

Qu’est-ce que les membres de la coalition ont proposé pour aider l’Irak dans sa lutte contre Daesh ? Presque rien de nouveau. La coalition continuera à mener des raids aériens contre les terroristes et à armer autant que possible les troupes irakiennes. Seules promesses concrètes : l’Irak recevra des missiles antichar et les pays occidentaux s'engagent à empêcher le recrutement de leurs citoyens par l’organisation terroriste en multipliant les barrières administratives et à renforcer les dispositifs de renseignement. 

Le chef de la diplomatie français Laurent Fabius a confirmé une «détermination totale» dans la lutte contre les terroristes de Daesh, soulignant que c’est «un combat sur le long terme», tandis que John Kerry, qui assistait à la réunion par téléphone, a encouragé les forces irakiennes à reprendre Ramadi mais n’a proposé aucun soutien américain à l’opération.

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Très inquiet de l'avancée de Daesh, le Premier ministre irakien Hïder al-Abadi n'est pas allé par quatre chemins et a estimé que la coalition ne fait pas assez pour repousser les djihadistes.

«Je pense que c’est [la situation actuelle] un échec pour tout le monde. En paroles, tout le monde veut aider l’Irak, mais en réalité, on nous aide très peu», a-t-il déclaré. Le Premier ministre est revenu sur la question des combattants étrangers qui ont rejoint les rangs des terroristes et a fustigé l’Occident pour sa complaisance. «Les pays de la coalition doivent faire beaucoup de travail politique. Nous voulons qu’on nous explique pourquoi il y a autant de terroristes d’Arabie Saoudite et d’autres pays du Golfe persique, d’Egypte et des pays européens dans les rangs de Daesh», a-t-il dit en soulignant que si des Français, des Américains, des Allemands sont dans les rangs de Daesh, alors le problème n’est pas dans la situation politique en Irak.

Cette déclaration a été prononcée à la suite de l’intervention du Premier ministre français Manuel Valls auprès du Sénat mardi qui a révélé que plus de 860 Français se trouvaient sur les champs de bataille au Moyen-Orient. Pour le moment, 471 y sont encore et 110 d’entre eux sont morts. Le nombre des Français ou personnes résidant en France impliquées dans le djihad en Syrie ou en Irak est actuellement de 1,730, a précisé le Premier ministre. D’après l’information de l’AFP, la plupart des djihadistes occidentaux qui quittent l’Occident pour rejoindre Daesh sont des ressortissants de France et de Belgique.

Le Premier ministre Irakien a également souligné l'équipement limité dont dispose ses troupes. D’après le haut responsable, l’Occident ne livre pas assez d’armes à l’Irak et les armes russes commandées peinent à arriver à cause des sanctions.

«Nous ne recevons pas assez d’armes et de munitions de la part des pays de la coalition internationale», a souligné al-Abadi, ajoutant que son gouvernement «fait face à des difficultés financières pour acheter des armes de l’étranger ou pour recevoir les armes achetées par le précédent gouvernement à la Russie en raison des sanctions américaines contre Moscou».

El-Assad complice de Daesh selon les Américains

Difficile pour la coalition d’assumer son incapacité à arrêter la progression de Daesh. El-Assad, dans ce contexte, reste un bouc-émissaire commode. Les Etats-Unis ont accusé le président syrien actuel Bachar el-Assad de porter des frappes aériennes contre sa propre population. Un poste sur Twitter de l’ambassade américaine en Syrie lundi a indiqué que «le régime effectue des raids aériens pour soutenir l’offensive de Daesh vers Alep, se rendant complice de l’expansion des extrémistes en Syrie».

Ces accusations ont été reprises par des dirigeants de l’opposition syrienne qui ont rapidement répété après les Américains que les bombardements ordonnés récemment par Bachar el-Assad visent leurs positions ouvrir la voie de l’Etat islamique vers Alep. Les auteurs des déclarations sur les bombardements ne présentent aucune donnée à l’appui de leurs allégations.

A la conférence, la coalition a une nouvelle fois manifesté son hostilité au maintien d’el-Assad au poste du président de la Syrie en déclarant «qu’il n’avait pas d’avenir» et en appelant la Russie à contribuer au processus de règlement politique du conflit en renonçant à cette exigence. 

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L’occupation par les djihadistes de Daesh d’une grande partie de l’Irak et de la Syrie est l’un des principaux problèmes de sécurité internationale à l’heure actuelle. Les territoires contrôlés par le groupe ont été intégrés au califat qu’il a proclamé en juin 2014, son objectif étant l’expansion rapide du califat de son influence sur d’autres territoires. Des cellules combattantes de l’Etat islamique existent aussi en Lybie, au Yémen et ailleurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Il n’y a pas de front unilatéral contre Daesh : il y a les forces gouvernementales de Syrie et d’Irak, la coalition internationale qui se borne pour le moment à des raids aériens et différentes milices kurdes, chiites et sunnites pour ce qui est de l’Irak. Les combats contre Daesh ont fait plusieurs milliers de morts parmi la population civile dans les deux pays. Des centaines de milliers de réfugiés ont fui Daesh pour s’installer dans les pays voisins, des milliers d’otages restent entre les mains des djihadistes.