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Donald Trump, un magnat de l'immobilier devenu phénomène politique

Qualifié de populiste et de sexiste, habitué des sorties tonitruantes, jouant à la limite du politiquement correct, l'homme reste à bien des égards une énigme. Mais à y regarder de plus près, les facettes du personnage Donald Trump sont multiples.

L'histoire de Donald Trump, né en 1946 dans le quartier du Queens à New York, fleure bon la success story américaine. Premier ingrédient indispensable : l'immigration depuis l'Europe. Son grand-père, venu de Kallstadt en Allemagne est arrivé aux Etats-Unis à bord d'un bateau à vapeur. Il a fait fortune en exploitant des hôtels et des maisons closes lors de la ruée vers l'or en Alaska à la fin du XIXe siècle. Son père, Frederick Trump, s'est enrichi en construisant des immeubles pour les classes populaires à New York. Donald Trump incarne donc la troisième génération et l'ADN familial pourrait expliquer pour beaucoup son appétit de pouvoir et son envie de réussite.

Une éducation très stricte pour un enfant «rebelle»

Le jeune Donald, troisième enfant d'une fratrie qui compte quatre autres frères et sœurs, grandit sans manquer de rien. Mais si Donald Trump, «fils de», ne part pas de zéro, son père l'élève à la dure, dans la culture du travail et du mérite. Donald suit ainsi son père sur les chantiers dès son plus jeune âge.

Une expérience du terrain qui lui vaudra de bien connaître les travailleurs du bâtiment, dont il adopte la façon de parler. Et, plus largement, une certaine proximité avec les classes populaires américaines qui figurent aujourd'hui parmi ses supporters les plus fervents. Ils retrouvent dans ce milliardaire, qui en dépit des apparences, est devenu un porte-voix légitime de la classe ouvrière. Enfant et adolescent, le jeune Donald Trump est pour le moins très dissipé. Au point que le piquet de punition de la salle de classe porte ses initiales : «D.T.»

Un enfant difficile que son père décide d'envoyer à l'académie militaire de New York pour tenter de le dresser, après que Donald, inspiré par le film West Side Story, projette une descente dans Manhattan pour en découdre au couteau.

La décision se révèle judicieuse, puisque Donald Trump y trouve des repères : «Il y restera cinq ans et s'épanouira dans cet environnement très masculin et hiérarchisé, où le machisme tant décrié par ses opposants fait alors partie de la culture», explique dans un «papier d'angle» l'AFP.

Donald Trump, l'establishment contre l'establishment

Mais derrière la caricature, Donald Trump se révèle plus complexe. «Ne voir que la caricature qu'il projette serait rater le phénomène Trump», explique Laure Mandeville, auteur du livre Qui est vraiment Donald Trump ? dans un entretien au Figarovox.

Selon la journaliste, derrière l'image médiatique de l'homme parfois grossier et même graveleux, avec des codes de conduite d'une autre époque, Donald Trump est en privé un personnage «plus nuancé, plus modéré, plus pragmatique [qui] sait écouter les autres et ne choisit pas toujours l'option la plus extrême». De fait, les sorties fracassantes de Donald Trump sont-elles facilement pardonnées par l'électorat populaire et ne choquent réellement que l'establishment, qui se pose en gardien du politiquement correct.

Pour l'essayiste Jean Bricmont, Donald Trump est ainsi un «marginal parmi les élites». Mais, bien sûr, Donald Trump n'est pas à proprement parler un prolétaire. Véritable golden boy des années 1980, il incarne d'abord la réussite décomplexée et le rêve américain comme celle – toutes proportion gardées – d'un Bernard Tapie en France.

Un golden boy typique des années 1980

En 1971, Frederick Trump confie à son fils les rênes de la société Elizabeth Trump & Son que Donald Trump rebaptise «Trump Organization». Un changement de nom qui marque aussi un changement d'époque : Donald Trump se départit alors de la gestion prudente de son père et tente des paris risqués. Et c'est la faillite de la Pennsylvania Central Railroad, une compagnie de chemins de fer américaine qui lui offre l'opportunité de faire fructifier l'affaire de son père en lui permettant de mettre la main sur de vastes terrains libérés dans la partie est du quartier de Manhattan et qu'il reste à valoriser.

C'est un succès et, par la suite, malgré les aléas des affaires, tout semblera réussir à un Donald Trump véritable touche-à-tout : casinos, centres de congrès et immeubles bling-bling qui presque toujours portent son nom, l'occasion de promouvoir la marque «Trump». En 1983, la fameuse et emblématique Tour Trump est inaugurée. L'immeuble de plus de 200 mètres trône sur la Cinquième avenue de New York et arbore une cascade de 24 mètres de haut. En haut du gratte-ciel, un penthouse privé en triplex, devient sa résidence principale.

Donald Trump, le playboy

Autre marqueur de la réussite dans l'Amérique des années 1980, Donald Trump est couronné homme le plus sexy par le Time magazine. Il enchaîne les conquêtes féminines et c'est alors que Donald Trump, jeune millionnaire très médiatique, forge sa réputation de séducteur. Après avoir investi aussi bien dans les casinos que les terrains de golf prestigieux, l'homme d'affaires devient propriétaire des concours de beauté Miss Univers, ainsi que de sa déclinaison consacrée aux adolescentes, Miss Teen Univers.

Sa participation à l'émission de télé-réalité The Apprentice finit d'asseoir sa notoriété aux Etats-Unis, dont il peut être difficile de se faire une idée en Europe et en France. Cette popularité qui perdure aujourd'hui encore, sera déterminante et va pousser Donald Trump à se lancer en politique.

Donald Trump, l'animal politique

D'abord démocrate dans les années 1970, Donald Trump devient un fervent partisan du président Ronald Reagan. En 1987, il rejoint le Parti républicain et envisage de se présenter aux primaires républicaines de 1988. Le candidat finalement nominé, George Bush père, envisage un temps de s'adjoindre Donald Trump sur le ticket présidentiel.

Déçu par les républicains, il se rapproche du Parti de la réforme des Etats-Unis d'Amérique, fondé par un autre milliardaire, Ross Perot, lequel trouve sa raison d'être dans la dénonciation d'un système politique corrompu pour répondre aux désillusions des Américains. C'est sans doute à cette occasion que Donald Trump sort des rails. Aussi, dans les années 2000, Donald Trump est-il une véritable girouette politique et semble se chercher.

Les Clinton : de l'amour au dépit amoureux ?

A l'image des grandes multinationales américaines qui «arrosent» les deux camps, Donald Trump a longtemps courtisé le Parti démocrate, et tout particulièrement une certaine Hillary Clinton. La candidate malheureuse à l'investiture du Parti en 2008, ancienne première dame, sénatrice de New York est une femme de pouvoir, une personnalité dont les décisions peuvent déterminer la bonne ou la mauvaise fortune du magnat de l'immobilier. Aussi Donald Trump met-il la main au portefeuille à de nombreuses reprises : en 2002, en 2005, en 2006, ainsi qu'en 2007 et en 2008. Il n'hésitera pas à financer la campagne d'Hillary Clinton pour l'investiture démocrate cette année-là.

Donald Trump accorde même quelque 100 000 dollars de don à la très controversée Fondation Clinton. Signe des relations plus que cordiales entre les deux adversaires d'aujourd'hui, Hillary Clinton, dont les discours peuvent coûter très cher, honore de sa présence la cérémonie de mariage entre Donald Trump et Melania Knauss, future Madame Trump, au Mar-a-Lago, un club propriété de l'homme d'affaires à Palm Beach.

Menant une campagne totalement indépendante des financements habituels – le coût de la campagne présidentielle, camps démocrate et républicain confondus, est estimé à quelque cinq milliards de dollars – Donald Trump, à la fois dans le système et hors du système est-il le révélateur de la fin d'une époque ? Peut-être est-il simplement le révélateur du mal-être de la société américaine, l'incarnation de la peur du déclin et d'une fin possible du rêve américain.