Entretiens

Le capitalisme patriotique de Trump en fait un «marginal parmi les élites», selon Jean Bricmont

Alors que les citoyens américains vont élire le chef du «monde libre», le choix entre Donald Trump et Hillary Clinton s'avère crucial car il concerne tous les habitants de la planète et pourrait tout changer en matière de politique internationale.

Pour Jean Bricmont, Donald Trump est un capitaliste comme les autres et cherche à maximiser ses profits. Mais cette vision en terme de coût/bénéfice peut aussi mener à la paix tandis que les mondialistes bien intentionnés, eux, déclenchent des guerres.

Donald Trump ne veut qu'être le président des Etats-Unis et pas du monde

Une des différences importantes à saisir entre Hillary Clinton et Donald Trump, explique l'essayiste belge, est que ce dernier ne veut être que le président des Etats-Unis et non pas le président du monde. A la différence d'Hillary Clinton qui voit, elle, toujours les Etats-Unis, auréolés de leur «destinée manifeste» et comme les gendarmes du globe.

Jean Bricmont souhaite par ailleurs plus d'indépendance pour son pays et pour l'Europe vis à vis des Etats-Unis, notant que les citoyens du monde autres qu'Américains ne participent pas à une élection qui ne les affecte pas moins.

Des Européens plus indépendants avec un Donald Trump président

Si les Etats-Unis décident de partir en guerre ou d'exacerber les tensions dans telle ou telle région du monde, note-t-il, cela affecte les Français, les Belges ou les Européens, en témoigne la crise migratoire qui frappe le continent. «Ce n'est pas démocratique d'avoir un pays qui décide de ce que nous devons faire et de ne pas avoir le droit de vote», résume-t-il, appelant les Européens à s'émanciper culturellement et politiquement des Etats-Unis.

Donald Trump un fasciste et un raciste ? Non, juste un capitaliste

Donald Trump est l'archétype du capitaliste parce qu'il envisage tous les problèmes en terme de coût/bénéfice. S'il s'avère que Donald Trump ne paie pas tous ses impôts ou tel ou tel fournisseur, c'est parce qu'il tente de minimiser ses coûts et maximiser ses profits, en «bon capitaliste» et, selon Jean Bricmont, pas «tellement différent de tous ceux qui réussissent» avec les règles du jeu libérales. Et l'essayiste de noter qu'au XXIe siècle, toute la gauche accepte le capitalisme comme horizon indépassable, à l'instar d'un Manuel Valls qui se dit «social libéral» et d'un François Hollande qui récuse la notion de dictature du prolétariat, bien qu'il se réclame des socialistes du XIXe siècle.

Donald Trump, un patriote qui «choque l'establishment»

Pour Jean Bricmont, Donald Trump est un capitaliste d'un genre particulier parce que patriote, et ce, à rebours du politiquement correct qui prône l'ouverture des frontières et le métissage.

Un discours bien pensant, souvent de gauche mais pas uniquement, qui, paradoxalement, explique Jean Bricmont, sert le «grand capital» en organisant la concurrence des travailleurs de différentes origines entre eux, et permet la délocalisation des entreprises là où le coût de la main d'œuvre est le plus intéressant.

Pour Donald Trump, qui ne s'embarrasse pas de prendre des gants, l'immigration affecte les couches populaires bien plus que les élites qui prétendent les représenter, ces mêmes élites qui portent le discours des droits de l'Homme et qui bénéficient pourtant de cette concurrence entre travailleurs.

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Guerres : Donald Trump raisonne en termes de coût/bénéfice

Pour Jean Bricmont, l'avantage d'un Donald Trump président des Etats-Unis, est que le candidat républicain envisage l'intervention de l'Amérique dans le monde en fonction de son coût. Aussi, selon l'essayiste, fait-il valoir que l'argent dépensé dans les guerres au Moyen-Orient représente de quoi reconstruire deux fois les Etats-Unis, sans pour autant que l'élite économique américaine ait réussi à mettre complètement la main sur le pétrole irakien ou façonné la région à son idée.

Les guerres sont idéologiques et, il faut bien le comprendre, explique Jean Bricmont, sont déclenchées par les néo-conservateurs américains sous couvert d'idéologies prétextes. Or, et c'est paradoxal, Donald Trump, bien qu'accusé de racisme et de fascisme, est un capitaliste qui veut la paix car la paix coûte moins cher. Les «droits-de-l'hommistes» conduisent à la guerre et le «populisme» et l'isolationnisme de Trump à la paix.

Propos recueillis par Alexandre Keller

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