International

Philippines : Rodrigo Duterte dans le collimateur de la Cour pénale internationale

La guerre engagée par le président philippin contre le trafic de drogue fait des remous jusqu’à La Haye. Fatou Bensaouda, procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) s’inquiète de possibles exécutions extrajudiciaires.

Fatou Bensaouda, procureur général de la Cour pénale internationale basée à La Haye, s'est dit «profondément concernée» par les méthodes qu'emploierait le président philippin pour lutter contre le trafic de drogue qui gangrène l'archipel. Depuis son élection à la tête des Philippines le 30 juin 2016, Rodrigo Duterte a déclaré une guerre sans merci aux trafiquants comme aux consommateurs de drogue. Selon des estimations rapportées par The Guardian, elle aurait déjà fait plus de 3 000 victimes. 

Le magistrat s’inquiète de rapports faisant état de possibles exécutions extrajudiciaires. Il dénonce également les déclarations de certains «hauts responsables» locaux qui «semblent tolérer de tels actes».

Les Philippines, membres de la CPI

Les déclarations du procureur général de la CPI sonnent comme un avertissement pour Rodrigo Duterte. En tant que membre de cette institution chargée de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, les possibles exactions commises aux Philippines pourraient très bien être jugées par la CPI. 

Ce que n’a pas manqué de rappeler Fatou Bensaouda : «Toute personne aux Philippines qui incite ou commet des actes de violence de masse incluant l’ordre ou la demande de tuer ainsi que la participation, en tout autre manière, à la commission de crime dans la juridiction de la CPI s’expose à des poursuites devant cette cour.»

De son côté, Rodrigo Duterte ne semble pas impressionné. Dans un discours prononcé le 13 octobre à Manille, il a assuré être en mesure de parer toute investigation sur de tels crimes. Il a même affirmé avoir envoyé des lettres au président Barack Obama, à son secrétaire d’Etat John Kerry, ainsi qu’à des officiels des Nations unies et de l’Union européenne afin de les inviter à enquêter. Le tout sans oublier de préciser qu’il lui serait facile de les «humilier» en détruisant leurs allégations.

Il a notamment mis en avant son passé d’avocat pour souligner qu’ils ne pouvaient «pas être plus brillants» que lui. Avant d’ajouter qu’il ne se gênerait pas par la suite pour faire passer ses accusateurs sur le grill.

«Je vais jouer avec vous en public. Je poserai cinq questions qui vont vous humilier. Et j’en poserai dix pour que vous soyez d’accord avec moi», a déclaré le président philippin dans le style provocateur qu’il adopte depuis sa prise de fonction. «Cela serait un spectacle. Vous feriez mieux de tout regarder. Cela vous donnerait de quoi vous amuser.»

Des critiques qui se multiplient

Selon son analyse, les juristes de l’Union européenne qui affirment qu’il pourrait être poursuivi pour menacer de tuer les criminels sont des «idiots». Il a en outre assuré qu’aucune loi en vigueur dans son pays n’interdisait cela.

Du côté des défenseurs des droits de l’homme, le son de cloche est différent. Ils rappellent que lors de son investiture, Rodrigo Duterte a juré de veiller à l’application des lois de son pays. Dont certaines interdisent les menaces graves, notamment de mort, envers les citoyens. La Constitution interdit également les punitions cruelles et inhumaines. La peine de mort est abolie aux Philippines.

Fatou Bensaouda a prévenu qu’elle ne lâcherait pas le président philippin. Son bureau suivra l’évolution de la situation dans les prochaines semaines en vue de déterminer s'il ouvrira une enquête préliminaire.

En savoir plus : Philippines : le nouveau président appelle de nouveau ouvertement au meutre de toxicomanes

Le coup de semonce de la CPI n’est que le dernier en date concernant les méthodes de Rodrigo Duterte pour éradiquer le trafic de drogue, véritable fléau aux Philippines. La semaine dernière, les autorités américaines, par le biais de leur porte-parole Josh Earnest, ont rappelé leur «profonde inquiétude» quant aux rapports faisant état d'exécutions extrajudiciaires dans le pays. Il avait notamment déclaré que l’usage de telles méthodes était «totalement en opposition avec le respect des droits de l’Homme et les valeurs communes[aux deux pays]».