Interrogé sur la possibilité d'un rétablissement du cessez-le-feu en Syrie, Bachar el-Assad a déclaré : «Nous avons annoncé que nous étions prêts à respecter tout arrêt des opérations, ou "cessez-le-feu" si vous préférez l'appeler ainsi, mais [la fin de la trêve] n'incombe pas à la Syrie ni à la Russie. Elle incombe aux groupes terroristes qui ont été affiliés à l'Etat islamique (EI), au Front Al-Nosra et à al-Qaïda, mais aussi aux Etats-Unis, à la Turquie et à l'Arabie saoudite. [Ces groupes terroristes] ont annoncé publiquement qu'ils n'étaient pas prêts à s'engager» à respecter une trêve.
Concernant l'éventualité d'un partenariat militaire américano-russe contre les groups terroristes, soulevée par Associated Press, le président syrien a déclaré que les Etats-Unis ne souhaitaient pas travailler main dans la main avec la Syrie contre le Front Al-Nosra ou même contre l'EI, «parce qu'ils pensent que cela peut être une carte à jouer pour leur propre agenda».
Cette attaque était-elle un accident ?
La semaine dernière, a rappelé l'agence de presse, les Etats-Unis avaient déclaré que l'attaque meurtrière de la coalition internationale menée par Washington du 17 septembre contre des troupes syriennes était un accident. Une version qu'a contestée Bachar el-Assad. «Ce n'était pas un accident, tout d'abord parce qu'il n'y a pas eu qu'un seul avion impliqué dans l'attaque», a expliqué le président syrien, avant de poursuivre : «Il s'agissait de quatre avions, qui ont attaqué sans relâche les positions des troupes syriennes, durant un heure environ. Vous ne commettez pas une erreur pendant plus d'une heure.»
Le chef de l'Etat syrien a également fait valoir que l'attaque n'avait pas ciblé un bâtiment quelconque dans une ville, mais qu'elle avait eu lieu dans un espace dégagé, composé de collines, où aucun combattant terroriste ne pouvait être observé à proximité des positions de l'armée syrienne.
En outre, le chef de l'Etat syrien a souligné que les combattants de l'EI avaient mené une attaque dans la même zone, juste après les frappes américaines, profitant des dégâts causés par celles-ci dans les rangs de l'armée syrienne. «Comment pouvaient-ils savoir que les Américains allaient attaquer cette position ?», s'est-il interrogé.
Convoi humanitaire détruit : «Les Etats-Unis devraient accuser en premier lieu les rebelles»
Autre sujet sensible évoqué dans l'interview : l'attaque d'un convoi humanitaire de l'ONU à proximité de la ville d'Alep, le 19 septembre, qui a causé la mort de 20 civils et d'un travailleur humanitaire, selon le Croissant Rouge syrien. La Maison Blanche a accusé l'armée russe d'être responsable de ce drame, ce qu'a contredit catégoriquement Bachar el-Assad, à l'instar de Moscou.
«De manière générale, tous les propos que tiennent les responsables américains au sujet du conflit en Syrie n'ont aucune crédibilité», a fait remarquer président syrien, avant d'expliquer : «Les convois humanitaires se trouvaient dans une zone contrôlée par les rebelles [...]. Ce sont eux que les Etats-Unis devraient accuser en premier.»
Bachar el-Assad réclame des enquêtes indépendantes de l'ONU sur l'utilisation d'armes chimiques
Le président syrien a également assuré qu'à chaque incident impliquant des armes chimiques en Syrie, son gouvernement appelait les Nations unies à dépêcher une délégation sur place, afin de réaliser des recherches à ce sujet. Or, a assuré Bachar el-Assad, les Etats-Unis s'opposent à ce que ce type d'enquête indépendante soit menée. «Si nous utilisions vraiment [des armes chimiques], nous demanderions pas d'enquête», a encore souligné le dirigeant syrien.
Aux accusations plus larges de violations des droits de l'Homme, comme l'usage de bombes barils (des barils remplis d’explosifs, de gaz, de combustible et de ferraille), évoquées par l'agence de presse, Bachar el-Assad a répondu : «Ecoutez, [...], chaque pays, chaque gouvernement, chaque personne commet des erreurs. Lorsque vous êtes en guerre, vous commettez des erreurs, c'est naturel. Mais les accusations visant la Syrie sont sans fondement.»
Protéger les civils est le rôle naturel de n'importe quelle armée dans le monde
Le président de la République arabe syrienne a par ailleurs fait valoir que son armée utilisait le matériel dont elle disposait pour défendre les civils, et qu'il était nécessaire de tuer les terroristes pour assurer leur sécurité . «C'est le rôle naturel de n'importe quelle armée dans le monde», a-t-il ajouté.
Pour autant, le dirigeant syrien a rejeté l'idée selon laquelle «la fin justifierait toujours les moyens», qui est selon lui l'apanage «des criminels [et] des voleurs»... Mais aussi «le fondement de la politique occidentale dans le monde ces temps-ci» ne manquet-t-il pas de préciser.
«Les Syriens ne fuient pas le gouvernement, mais la guerre elle-même»
Aux journalistes d'Associated Press, le chef d'Etat syrien a assuré que son gouvernement continuait à jouir d'un fort soutien de la part de la population : «Vous ne pouvez pas résister pendant plus de cinq ans à l'Occident, aux Etats du Golfe, aux pétrodollars et à toute cette propagande hostile produite par les plus grands groupes de médias du monde, si vous ne disposez pas du soutien de votre propre peuple.»
Les journalistes d'Associated Press lui ont alors rétorqué que de nombreux exilés syriens avaient affirmé avoir fui par peur des forces loyalistes. Une lecture de la situation dans le pays que Bachar el-Assad a jugé fallacieuse : «Vous devez vous pencher sur la réalité syrienne : à chaque fois que nous libérons une ville des terroristes, les civils y reviennent ; et si cette ville vient à être attaquée par les terroristes, ils fuient à nouveau. Ils fuient donc, avant tout, la guerre elle-même. Ils fuient également le contrôle qu'exercent les terroristes sur certaines zones, et ils fuient la situation difficile que cause l'embargo occidental contre la Syrie.»
Malgré le soutien de la population syrienne qu'il revendique, le président Assad ne croit guère en la possibilité d'une résolution rapide du conflit, déclarant que celui-ci allait «s'éterniser», aussi longtemps qu'il fera partie d'une guerre régionale plus vaste entretenue par d'autres nations.