Dans une tribune publiée lundi 15 août dans le quotidien Cumhuriyet, Can Dündar a fait savoir qu'il ne se rendrait pas au tribunal, estimant que l'état d'urgence imposé à la suite du putsch manqué en Turquie, le 15 juillet, l'empêchait d'avoir droit à un procès équitable.
Le journaliste a aussi annoncé qu'il démissionnait de son poste de rédacteur en chef mais continuerait d'écrire des tribunes en tant que chroniqueur.
Tous les signes d'une période de «non-droit» sont réunis, justifie Can Dündar, qui assure que l'état d'urgence est utilisé par le gouvernement pour contrôler la justice de manière arbitraire.
«Faire confiance à un tel pouvoir revient à mettre sa tête sous la guillotine», précise Can Dündar dans sa tribune intitulée «Le temps de dire adieu».
«Désormais, nous ne faisons pas face à la justice mais au gouvernement. Aucun tribunal supérieur ne pourra s'opposer au non-droit qui s'installe», continue-t-il, concluant : «Par conséquent, j'ai décidé de ne pas me rendre auprès de la justice tant qu'il y aura l'état d'urgence [instauré depuis le 20 juillet].»
En mai, Can Dündar avait été condamné en première instance à cinq ans et 10 mois de prison pour divulgation de secrets d'Etat, dans une affaire qui avait provoqué la colère du président Recep Tayyip Erdogan.
Can Dündar, qui avait été autorisé à rester en liberté en attendant la décision de la Cour d'appel sur son dossier, serait désormais en Allemagne.
Cumhuriyet, un média ouvertement anti-gouvernement
Can Dündar, auteur de plusieurs livres et documentaires, avait été nommé rédacteur en chef de Cumhuriyet en février 2015 et avait rapidement fait du titre un fervent journal d'opposition.
Lire aussi : un journaliste turc poursuivi promet d'exposer «les crimes de l'Etat» devant la justice
Le média avait diffusé en 2015 un article et une vidéo faisant état de livraisons d'armes l'année précédente par les services secrets turcs à des rebelles islamistes en Syrie.
«Ils le payeront cher», avait alors menacé, furieux, le chef d'Etat turc à la télévision, lançant personnellement des poursuites contre Can Dündar et son chef de bureau à Ankara, Erdem Gül.
La Turquie pointe à la 151e place sur 180 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
D'après les chiffres officiels, plus de 35 000 personnes ont été arrêtées à ce jour dans le cadre d'une vaste purge menée depuis le coup d'Etat manqué qui a fait 273 morts.
Des mandats d'arrêt avaient notamment été délivrés à l'encontre de 42 journalistes. Dans le cadre de l'Etat d'urgence, les autorités ont fermé plus de 100 médias critiques du pouvoir.