Dans une deuxième partie des documents qui ont fuité et qui avaient été remis à RT par le député Erem Erdem en personne, il apparaît que le gouvernement turc avait accès aux dossiers de plus d’un millier de terroristes. Il était au courant de leurs déplacements et des adresses de la plupart d’entre eux, mais au lieu de les arrêter ou de leur barrer la route, Ankara a préféré les laisser se faire soigner dans ses hôpitaux.
Le nom du chef présumé de Daesh, Ilhami Bali, dont la tête avait été mise à prix à plus d’un million de dollars, se retrouve souvent dans les documents qui ont été publiés. Alors que les services de renseignement turc estiment qu’il était à l’origine des attentats à Ankara et à Suruç contre des activistes pro-kurdes, ces documents montrent que le gouvernement turc ne l’a aucunement empêché d’aider les combattants blessés de Daesh à traverser la frontière entre la Syrie et la Turquie pour y recevoir des soins.
Des conversations d'Ilhami Bali ont été enregistrées par le renseignement turc et, d’après ces documents, avec au moins deux hommes : «Savas » et «Erek». Le premier aurait apporté des soins aux terroristes de Daesh dans des hôpitaux turcs et le deuxième s’occupait de l’aspect financier de ces opérations.
Dans la première conversation publiée, Ilhami Bali demande à «Savas» si d’autres personnes sont arrivées pour être soignées après leur précédente conversation. Savas répond qu’elles ont toutes été opérées et qu’il avait «fait quelque chose pour [un certain] Mouhmmad Emine qui a coûté environ 32 000 livres».
Dans une autre conversation, le terroriste présumé parle à «Erek» d’un homme qui aurait reçu «les meilleurs médicaments pendant deux ou trois mois» parce qu’il ne voulait pas se faire amputer de la jambe amputée. Au regard des bonnes relations entre les deux interlocuteurs, le prix des soins ne se serait élevé qu’à 40 000 dollars.
Toujours et un peu plus loin dans ces documents du renseignement turc, Ilhami Bali affirme qu’il n’enverra plus jamais de blessés dans un hôpital spécifique car, alors qu’il aidait un combattant azerbaidjanais appelé «Mehmet Ali», il y avait eu confusion dans le traitement qu’il avait reçu et dans le paiement.
Malgré ces révélations, la Turquie continue à nier toute responsabilité, précisant qu’elle fait tout son possible pour lutter contre Daesh. En ce qui concerne le député-lanceur d’alerte, Erem Erdem, le président turc Recep Tayyip Erdogan l’a à plusieurs reprises qualifié de traître. A l’heure actuelle, une enquête a été ouverte contre lui, mais il bénéficie d’une immunité parlementaire. Le parlement turc se prépare donc à adopter un amendement qui permettra de poursuivre les députés pour crimes de terrorisme pendant leur mandat. Une fois adopté, Erem Erdem pourrait donc devoir purger plusieurs années de détention.
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