«Au lieu de se concentrer sur l’atténuation de la crise, l’UE et les Etats membres ont décidé de s’en aller et la rejeter sur autrui. Cet accord menace le droit de tous les gens cherchant un asile et viole votre obligation de porter secours à chaque homme, femme ou enfant demandant à être protégé», a écrit la présidente internationale de MSF Joanne Liu dans une lettre ouverte aux institutions de l'UE.
Dans cette lettre, la représentante de MSF considère l’accord UE-Turquie d'«option d’externalisation», au moment où l’ONG travaille sans cesse sur différents points chauds autour du Moyen-Orient, essayant d'aiderles gens à survivre.
«Cet accord sous-traite la prise en charge de ces populations à la Turquie en échange, entre autres, d'un plan d'aide de plusieurs milliards d'euros», a-t-elle rappellé.
En plus d'offrir de l’argent pour faire face aux réfugiés, cet accord prévoit le retour en Turquie de tout migrant arrivé en Grèce depuis le 20 mars et n'ayant pas fait de demande d'asile ou dont la demande a été rejetée. En contrepartie, l'UE s'est engagée à ce que pour chaque Syrien renvoyé, elle accepte d'en «réinstaller» un autre depuis la Turquie dans un des pays membres. Ce point a été aussi critiqué par le MSF.
«Refouler les gens dans le pays de leur dernier transit transforme l'asile en simple instrument de marchandage politique visant à tenir les réfugiés aussi loin des frontières et des yeux des électeurs européens que possible», lit-on dans la lettre.
Lire aussi : Accord UE-Turquie sur les réfugiés : «du marchandage digne d'un souk !»
Prenant en considération les politiques de migration de l'UE, MSF se demande si les agences d'aide humanitaires doivent en effet continuer leur coopération avec ceux qui à l’origine ont pour but non pas de sauver des vies, mais plutôt de sécuriser les frontières.
Au final, la présidente de l’ONG a mis en garde contre «le signal préoccupant» envoyé par cet accord au reste du monde que «d’autres pays pourraient tenter de se soustraire à leur devoir de proposer l’asile». «Si les États s’en inspirent, le concept de réfugié pourrait cesser d’exister. Des populations se retrouveront prises au piège dans des zones de guerre, au risque d’y mourir», a-t-elle averti.
Les réfugiés qui ont la chance d’atteindre l’Union européenne font face à des conditions de vie épouvantables, qualifiées de «honteuses» par MSF. «Les femmes ont peur d’aller aux toilettes lorsqu’il fait sombre, les mères mendient du lait maternisé pour les bébés et les hommes de tout âge perdent leur dignité en se battant pour des restes de nourriture», a conclu l’association internationale appelant l’UE à réviser sa politique.
L’accord sur les migrants conclu le 18 mars à Bruxelles entre l’UE et la Turquie a provoqué de vives critiques au sein de la communauté internationale et de la part des organisations de défense des droits de l’Homme. Outre la question migratoire, la Turquie a également demandé un financement de Bruxelles à hauteur de plus de six milliards d’euros, une zone sans visa pour que ses citoyens puissent librement accéder aux pays de l’espace Schengen, et a réitéré sa volonté de rejoindre l’Union.