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Sauf surprise, Londres se prépare à voter pour son premier maire musulman

Et si Jeremy Corbyn, le leader du parti Travailliste, n'était pas le seul invité surprise de la politique britannique? Voici un autre travailliste, Sadiq Khan, favori aux prochaines élections pour la mairie de Londres.

Selon un sondage de Yougov, Sadiq Khan recevrait 60% des votes, contre 40% pour son adversaire du parti Conservateur Zach Goldsmith. D'origine pakistanaise, le candidat favori du parti Travailliste deviendrait le tout premier maire de confession musulmane de la capitale de l'Angleterre et battrait son adversaire Conservateur issu d'une famille de milliardaires Zach Goldsmith. Dans l'actuel climat de défiance à l'égard des musulmans en Europe, ce sondage pourrait en étonner plus d'un. Khan bénéficierait-il du même vent de sympathie qui porte le parti Travailliste et son chef Jeremy Corbyn ?

Un candidat atypique

«L'autre gars [Zach Goldsmith] se dit indépendant, mais mais vient de passer les trois dernières semaines à se faire photographier avec David Cameron et Boris Johnson [le maire sortant]», explique celui qui dit vouloir travailler et avec les Conservateurs de Cameron, et avec les Travaillistes de Corbyn : il prendra ce qui fait l'affaire de Londres et laissera le reste de côté.

«Mon père était chauffeur de bus, et ma mère couturière. On vivait dans un HLM du sud de Londres, avec mes parents, mes frères, mes sœurs. La mairie n'était qu'à quelques stations de métro au nord, mais pour un jeune comme moi, elle semblait être à des millions de kilomètres», explique le candidat travailliste aux 5,6 millions d'électeurs londoniens qui se présenteront aux urnes le jeudi 5 mai. De toute évidence, Khan veut se présenter comme un représentant du peuple.

«Le contraste entre l'histoire de la vie de son adversaire et celle de Sadiq est très frappant, si vous êtes une personne ordinaire à Londres», explique Jim Fitzpatrick, un ancien président du parti Travailliste, ajoutant que «la vie de Sadiq, en tant que fils d'un chauffeur de bus, est beaucoup plus attrayante pour les Londoniens ordinaires. Je pense que cela lui donne une longueur d'avance.» Oona King, collègue au parti Travailliste et un des premiers partisans de la sélection de Khan comme candidat à la mairie, a une vision de Khan qui va dans le même sens : «Il comprend vraiment les problèmes qui se posent à Londres, que ce soit le logement ou le transport, et il correspond à celui d'une réelle compréhension de l'inégalité.»    

Musulman progressiste

«Londres est la seule ville où je voudrais élever mes filles», a pu confier l'intéressé à la BBC. Il se décrit lui-même comme un «musulman libéral» dénonçant «les extrémistes de manière très ferme.» Sadiq est en effet loin d'être le portrait du musulman typique : il se décrit lui-même comme un féministe et est même favorable au mariage homosexuel, ce qui n'a évidemment pas manqué de susciter l'émotion sur Twitter. 

Trop près des islamistes ?

Ses détracteurs, eux, l'accusent volontiers d'être trop près des extrémistes. Zach Goldsmith n'a pas hésité à publier une tribune dans Mail on Sunday intitulée «Allons-nous vraiment livrer la meilleure ville du monde au parti Travailliste qui considère les terroristes comme des amis?» Sur les réseaux sociaux, les réactions ne se sont pas faites attendre : en cause, sur la photo illustrant l'article de Goldsmith avait été prise lors des attentats perpétrés à Londres par des islamistes en 2007.

Le chef du parti Conservateur, David Cameron, a évoqué des affinités avec des islamistes, ajoutant même que Khan aurait fréquenté un imam soutenant Daesh. Ce qui n'est pas non plus passé inaperçu sur Twitter.

Les accusations des Conservateurs ont été reprises par plusieurs des quotidiens anglais, évoquant, sans grande preuve, des rencontres potentielles du candidat avec Yasser al-Siri, terroriste condamné et associé de l'imam extêmiste Abu Qatada, ainsi qu'avec Sajeel Shahid, un militant accusé d'avoir entrainé le leader des attentats de Londres.

Attention aux attaques

«J'ai toujours condamné les organisations hideuses faisant la promotion de l'extrémisme», dit-il. Cette stratégie de diabolisation adoptée par ses adversaires, jugée «minable et désespérée» par le camp Khan, pourrait bien se retourner contre eux. «Khan est clairement un musulman moderne et progressiste. Si ses opposants s'aventurent trop sur ce terrain, ils risquent un retour de bâton», met en garde Tony Travers, professeur à la London School of Economics.