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Turquie : la police disperse une manifestation contre la menace d'une «constitution religieuse»

La police a dispersé par la force mardi plusieurs manifestations de partisans de la laïcité en Turquie, au lendemain d'une déclaration controversée du président du Parlement appelant de ses voeux une «Constitution religieuse».

«La Turquie est laïque et le restera», ont scandé ce mardi 26 avril au matin une centaine de manifestants réunis devant l'une des entrées de l'Assemblée nationale à Ankara avant que la police antiémeute n'intervienne à coups de gaz lacrymogène. En début de soirée, quelque 300 personnes qui manifestaient sur la rive asiatique d'Istanbul ont été dispersées par la police qui a tiré des balles en caoutchouc. Un autre rassemblement a été réprimé à Izmir, dans l'Ouest du pays.

«L'Etat se tient à égale distance de tous les groupes religieux»

La police a procédé à plusieurs interpellations. Les manifestants protestaient contre des propos prononcés ce lundi par le président du Parlement Ismail Kahraman, membre du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur au pouvoir) du président Recep Tayyip Erdogan. «En tant que pays musulman, pourquoi devrions-nous être dans une situation où nous sommes en retrait de la religion ? Nous sommes un pays musulman [...] Avant toute autre chose, la laïcité ne doit pas figurer dans la nouvelle Constitution», a-t-il déclaré.

Rattrapé par la polémique en Croatie, où il était en déplacement mardi, le chef de l'Etat turc a pris ses distances avec Ismail Kahraman, déclarant : «Le président de notre Parlement a exprimé ses propres opinions». «En ce qui me concerne, ce que je pense à ce sujet est clair depuis le début», a poursuivi Recep Tayyip Erdogan ajoutant «l'Etat se tient à égale distance de tous les groupes religieux [...] C'est cela la laïcité».

L'AKP accusé de vouloir islamiser la société turque

Voulant rassurer la population, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a également déclaré ce mercredi 27 avril que le principe de laïcité serait conservé dans le projet de constitution élaboré par le parti islamo-conservateur au pouvoir. «Dans la nouvelle constitution que nous préparons, le principe de laïcité figurera pour garantir la liberté de culte des citoyens et pour que l'Etat soit à égale distance de toutes les confessions», a déclaré le Premier ministre lors d'un discours public à Ankara.

Cité par l'agence de presse Dogan, Ismael Kahraman a lui aussi déclaré qu'il n'avait fait qu'«exprimer [ses] opinions personnelles». Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, l'AKP est accusé par ses détracteurs de vouloir islamiser la société turque. Cette formation a libéralisé le port du voile islamique autrefois strictement interdit dans la fonction publique et les universités.

Levée de boucliers des partis d'opposition

La déclaration du président du Parlement appelant à supprimer la laïcité de la Constitution a provoqué une levée de boucliers des partis d'opposition qui, dans une rare unanimité, ont appelé à sa démission. «La laïcité est la garantie de la liberté de culte», a lancé le chef de file de l'opposition laïque au Parlement, Kemal Kiliçdaroglu, lors d'un discours devant ses députés du CHP (parti républicain du peuple), accusant le régime islamo-conservateur de vouloir «détruire la République».

L'AKP «a montré son vrai visage», a assuré pour sa part Figen Yuksekdag, coprésidente du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde). Depuis la reconduction de l'AKP au pouvoir, en novembre, l'une des priorités du gouvernement est de doter la Turquie d'une nouvelle loi fondamentale pour remplacer celle héritée de la junte militaire après le putsch de 1980.