Alors qu’il y avait auparavant eu d’autres incidents sérieux dans des centrales nucléaires, comme celle de Sellafield en Angleterre ou de Three Mile Island aux Etats-Unis, c’est Tchernobyl qui a montré à l’humanité le visage terrifiant d’une catastrophe nucléaire. La tragédie de Fukushima, s’étant produite il y a cinq ans, a à peine fait de l’ombre aux images des rues vides de Pripiat inscrites dans l’inconscient collectif.
La catastrophe de 1986 contient tous les ingrédients du mythe tragique : un accident qui aurait pu être évité, une explosion, une évacuation retardée, des travailleurs inconscients du danger devenus les victimes de radiations invisibles, la grande roue abandonnée de Pripiat et le fait que le réacteur reste toujours actif même sous son sarcophage.
A partir du 26 avril 1986, l’enchaînement d'événements n’aurait pas pu être plus cinématographique. En effet, Tchernobyl a inspiré des dizaines de films, de livres et de jeux vidéos.
L’explosion à 1h23 du matin a été le résultat d’une série d’erreurs rappelant d’autres catastrophes technologiques en URSS. Elles ont été entrainées tant par la construction imparfaite du réacteur de type RBMK de Tchernobyl, installé nulle part ailleurs dans le monde, que par la décision de responsables de la centrale nucléaire de dissimuler des tests de sécurité s’étant mal passés.
L'ingénieur en chef adjoint de la centrale nucléaire, Anatoli Diatlov, n'a pas bougé de la salle de contrôle, refusant de croire à l’ampleur de l’accident, même après les rapports de témoins directs. Alors que 50 tonnes de combustible nucléaire ont été rejetées dans l’atmosphère à travers l’ouverture béante dans le toit du bâtiment, le chef de poste Alexandre Akimov, a envoyé deux jeunes employés se rendre compte de l’état du réacteur. Après avoir été exposés à une trop forte radiation pendant une minute, ils sont revenus avec un «bronzage nucléaire». Ils ne sont parvenus à dire que quelques mots à Akimov avant de perdre connaissance. Les deux hommes sont décédés quelques heures plus tard.
Malgré les malaises et les vomissements causés par les radiations, personne n’a quitté son poste de travail cette nuit-là. Les autres réacteurs ont continué à fonctionner comme si de rien n’était.
«Quand je suis venu prendre mon service ce matin-là, il était évident qu’une catastrophe s’était produite», raconte Alexeï Breus, ingénieur du fatidique 4e réacteur de Tchernobyl, à RT. «Quand je suis arrivé sur mon poste de travail, on m’a dit que la radiation dépassait 1 000 fois le niveau normal. Ils ont ensuite ajouté que dans les lieux que je venais de traverser, c’était 100 fois pire. A la fin de mon service je leur ai demandé : Qu’est-ce que je dois faire demain ? Et ils ont répondu : Viens travailler comme d’habitude. C’est ainsi que les choses se passaient en URSS».
Quelques minutes après l’incident, des pompiers sont arrivés dans la centrale avec aucun équipement de protection spécial et sans être conscients du danger qui leur faisait face.
Au total, plus de 600 000 personnes de tous les coins du pays ont participé à la liquidation des résultats de la catastrophe.
«Un homme en uniforme a frappé à la porte de ma maison et m’a dit que j’ai été recruté comme liquidateur. Il m’a dit qu’en cas de refus, ils utiliseraient la force. Nous étions huit dans le bus. Après une nuit, ils nous ont envoyés aux militaires. Là-bas, nous avons été forcés de signer un accord de non-divulgation, selon lequel nous risquions d’être fusillé en cas de violation», a révélé Alexandre Filipenko à RT, lui qui a passé des mois à aider à débarrasser les liquidateurs de leurs vêtements irradiés. Avant Tchernobyl, il avait été double champion du monde de cyclisme. Au fil des années après la catastrophe, il était tellement épuisé par plusieurs maladies chroniques qu’il avait du mal à marcher. Mais au moins il est resté vivant.
Les trois premiers mois après l’incident, 31 personnes sont mortes dans d’atroces souffrances. La plupart d’entre eux victimes du syndrome d'irradiation aiguë.
«Les gens avaient différents types de plaies : fractures, brûlures…», explique à RT Vitali Leonenko, le médecin en chef de l’hôpital de Pripyat de 1980 à 1986. « La plupart d’entre eux avaient des brûlures au 3e et 4e degré, causées par les radiations. Certains décédaient sur le coup, les autres devaient attendre 24 heures avant d’être évacués vers Moscou», poursuit-il.
La ville de Pripyat avait été construite un peu plus de dix ans avant la tragédie pour loger les travailleurs de Tchernobyl et leur famille. Au total, la ville comptait 50 000 habitants.
La politique des autorités soviétiques de tout garder secret et la volonté des responsables de la centrale nucléaire de minimiser l’ampleur des dégâts ont généré une situation terrible. Alors que des bureaucrates et scientifiques de tous le pays discutaient de l’incident, les enfants de Pripyat continuaient à nager dans la rivière contaminée. Au moins jusqu’au moment où les premiers patients se sont adressés à l’hôpital se plaignant de nausées, de maux de tête et un goût métallique dans la bouche.
Le pont sur lequel des dizaines de personnes se sont réunies après l’explosion pour regarder la fumée colorée s’élever au-dessus de la centrale nucléaire, sera ensuite baptisé «pont de la mort». Plusieurs d’entre eux ont reçu de fortes doses de radiation, fatales dans certains cas.
L’évacuation de la ville a commencé le 27 avril, 36 heures après l’explosion. Afin de prévenir les retards et de s'assurer que des objets irradiés ne circulent pas dans tout le pays, les autorités ont promis aux habitants qu’ils pourraient revenir trois jours plus tard pour prendre leurs affaires.
Quand les liquidateurs sont entrés à Pripyat, les réfrigérateurs étaient encore pleins de nourriture. Certains animaux, comme les oiseaux, agonisaient sur le sol.
Les réacteurs de Tchernobyl ont fonctionné jusqu’en 2000, alors que le personnel d’entretien continue encore aujourd'hui à travailler quotidiennement à la décontamination du site. Selon les autorités ukrainiennes, il faudra encore une cinquantaine d’années pour mener à bien cette mission.
En termes humains, le coût est incalculable. Alors que l’ONU estime qu’environ 4 000 personnes sont mortes à cause de l’accident, Greenpeace indique que ce nombre pourrait être 20 fois plus élevé.
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