«Quentin, c’était un des multiples Quentin français, et je dirais même européens et mondiaux, qui sont partis rejoindre le Califat. Quentin, c’était un jeune homme normal, qui faisait ses études et qui était aimé de sa famille. Il s’est converti un beau jour de fin 2012, et nous l’a annoncé fin 2012 – début 2013. Il est parti sans rien nous dire fin septembre 2014», raconte Véronique Roy, la voix pleine d’émotions.
Il est insupportable que la jeunesse meure pour une cause qui ne la concerne pas
Interrogée sur la raison qui l'a poussée à raconter l’histoire douloureuse du destin tragique choisi par son fils, Véronique Roy explique qu’il s’agit d’un «sujet qui concerne toute la jeunesse», et qu’elle trouve «insupportable que [cette] jeunesse meure pour une cause qui ne la concerne pas».
Depuis 2014, quinze jeunes hommes ont quitté la ville de Sevran, en banlieue parisienne, pour aller se battre en Syrie et en Irak pour le compte de l’Etat islamique. Au nom de tous les parents «victimes» du départ de leurs enfants, Véronique Roy insiste sur le fait qu’aucun de ces «enfants ne sont nés djihadistes ou pour certains terroristes. Ils le sont devenus». Mais la question qui continuer de hanter la mère du jeune homme tué en Irak «est de savoir pourquoi certains jeunes franchissent cette limite et partent pour un pays qui ne leur donne que la mort».
Après le départ de son fils et des autres jeunes hommes de Sevran, Véronique Roy reproche au maire de la commune de ne pas avoir rassemblé les familles dans «une cellule de crise» afin d’informer le reste de la population des dangers qui peuvent concerner n’importe lequel de ces jeunes. Car pour Véronique Roy, «les profils sont assez multiples» et les origines sociales aussi. «Il y a des gamins qui vivaient en cité et d’autres pas. Nous, nous habitons dans un lotissement», explique la mère de Quentin. «Celui qui est parti avec notre fils, et dont on a appris la mort peu de temps après, faisait des études supérieures, tout comme Quentin». Ces jeunes ont «tous des motivations différentes, ce ne sont pas forcément des délinquants, des jeunes qui partent avec l’envie de tuer», précise la mère de Quentin avant d’ajouter que «certains sont animés uniquement par des intentions religieuses et spirituelles, certes déformées, mais ils sont persuadés de bien faire».
Il y a des recruteurs en France qui construisent des réseaux, c’est devenu un business
Interrogée sur l’existence de la «mosquée de Daesh» à Sevran, officiellement fermée, qui était fréquentée par les jeunes partis rejoindre l’Etat islamique, Véronique Roy explique qu’une autorisation de la ville a été nécessaire à son ouverture. «Cela nous fait penser qu’il existe [à Sevran] une espèce d’omerta […] Le maire savait même, début 2014, que cette salle de prière était dangereuse. Elle n’a pas été fermée et est restée ouverte […] Notre maire n’a pas fait son travail d'informer la population», déplore Véronique Roy.
«Il y a des recruteurs en France qui construisent des réseaux, c’est devenu un business», explique la mère de Quentin avant de se désoler que son fils ait «rencontré de mauvaises personnes, au mauvais moment».
Néanmoins, Véronique Roy refuse que la communauté musulmane soit stigmatisée à cause de la propagande islamiste du groupe terroriste. «Nous n’attaquons pas les musulmans, nous attaquons l’islam fondamentaliste et radical qui mélange le religieux et le politique». Elle souligne qu’il y a par ailleurs «beaucoup de musulmans qui perdent leurs enfants. On est donc tous dans le même sac, et quand on perd un enfant, qu’on soit musulman, chrétien ou juif, la douleur est la même».
A la question de savoir si, selon elle, le gouvernement français devrait traiter ce problème avec plus de sérieux, Véronique Roy répond en dénonçant le double jeu des autorités françaises face à l’islamisme en France : « Quand on voit que le président remet la Légion d’honneur au dignitaire de l’Arabie saoudite […], alors qu’on sait pertinemment que [Riyad] n’est pas totalement neutre dans la montée de l’islamisme en Europe – je trouve ça extrêmement inquiétant».
«On ne peut pas dire à la fois qu’on combat [le terrorisme] et favoriser en même temps l’extension du fondamentalisme religieux […] Notre jeunesse est en train de mourir et nous en sommes responsables», conclut Véronique Roy.