«On ne pourra pas faire taire la liberté de presse», a scandé la foule de partisans, militants d'ONG et députés d'opposition venus applaudir sous un soleil radieux Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, à leur entrée au tribunal d'Istanbul. Leur procès a en effet repris ce vendredi à huis clos. Accusés d'espionnage par le pouvoir, ils risquent la prison à vie.
Farouches détracteurs du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, les deux hommes sont poursuivis pour avoir publié une enquête accusant le gouvernement d'avoir livré des armes aux rebelles islamistes de Syrie en utilisant des camions appartenant aux services de renseignement turcs (MIT).
«Nous allons gagner [...] Le droit nous donnera raison et nous serons acquittés», a lancé Can Dundar, lunettes fines et barbe poivre et sel, se montrant à la fois confiant et combatif.
«On se sent bien. Que voulez-vous, on défend l'information, la liberté d'expression. La justice va faire son travail», a ajouté, plus fataliste, Erdem Gül, lors de ce point presse improvisé sur la dalle ventée devant le tribunal. «Ce procès n'a pas de raison d'être car le journalisme n'est pas un crime», a-t-il ajouté.
Evoquant le président Erdogan et le MIT, Can Dundar a encore déclaré : «Il y a erreur. Nous devrions être aujourd'hui du côté de ceux qui posent des questions. Ils devraient être, eux, sur le banc des accusés.»
Lors de la première audience, le 25 mars, le tribunal pénal avait décidé de poursuivre ses débats à huis clos en invoquant des raisons de sécurité nationale. Il avait aussi accepté les constitutions de partie civile de Recep Erdogan et du MIT.
Furieux de la publication de l'article de Cumhuriyet en mai 2014, le président Erdogan avait promis d'emblée : «Celui qui a publié cette information va le payer très cher, je ne vais pas le lâcher comme ça», avant de porter plainte personnellement contre les deux hommes.
La présence la semaine dernière à l'audience de diplomates occidentaux, dont plusieurs européens, a encore courroucé le président, qui a rappelé parmi d'autres propos ressemblant à des menaces voilées d'expulsion, que les diplomates pouvaient bien agir dans le cadre de leurs consulats mais qu'«ailleurs, cela nécessitait une permission».
L'UE, ainsi que la France et les Etats-Unis, ont réaffirmé au contraire que leurs diplomates étaient parfaitement dans leur rôle d'observateur à ce procès.