Une partie de la foule semble s'être réfugiée à l'intérieur du bâtiment, tandis que la police anti-émeute serait en train de lutter contre les manifestants, selon les médias présents sur place.
La rédactrice en chef de la version anglophone de Zaman, Sevgi Akarcesme, a déclaré que, pendant le raid, les forces de l'ordre avaient tenté de la faire sortir de l'immeuble.
«Un officier de police a violemment saisi mon téléphone pendant que je diffusais une vidéo via Periscope. Je compte bien le poursuivre en justice dès que cet incident sera terminé, c'est tout simplement impensable !», a-t-elle tweeté, ajoutant : «Quel triste jour pour la Turquie».
Le quotidien a confirmé que la police avait pénétré dans ses locaux situés à l'étage du bâtiment, empêchant les journalistes d'entrer dans leurs bureaux, information confirmée sur les réseaux sociaux.
Le raid a débuté peu avant minuit, après une journée de face-à-face tendu entre la police et les manifestants de l'opposition, furieux contre ce qu'ils qualifient de «répression du gouvernement contre la presse libre».
«Malheureusement, nous sommes un exemple amer de cette période que la Turquie traverse. Ce sont des heures sombres pour la démocratie turque», a déclaré le rédacteur en chef de la version turque de Zaman, Abdulhamit Bilici.
Zaman, le plus important journal d'opposition turc, est accusé par l'Etat de liens présumés avec le religieux musulman Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis, et que le gouvernement accuse d'avoir tenté de renverser le régime.
La décision de la cour pénale d'Istanbul de censurer la publication du journal a été confirmée suite à une demande du Bureau du procureur en chef de la ville, qui a accusé la publication d'être aux ordres de «l'organisation terroriste de Fethullah».
Selon le procureur, le groupe terroriste présumé travaille de concert avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le but de renverser le gouvernement turc. Pour remédier à cette prétendue «menace terroriste», le tribunal a jugé nécessaire de licencier les journalistes du Feza Media Group et de remplacer l'ensemble de l'administration par un comité de trois membres nommés par le tribunal de l'Etat.
Suite à la décision du tribunal, l'équipe éditoriale du journal a publié une déclaration par le biais de son édition britannique, Zaman's Today, qualifiant cette prise de contrôle du média par le gouvernement de «jour le plus sombre dans l'Histoire de la liberté de la presse turque».
Le communiqué ajoute que «les organisations de médias et de journalistes sont réduits au silence par des menaces constantes et un chantage permanent».
Après la décision du tribunal, des centaines de personnes se sont rassemblées devant les bureaux du journal à Istanbul pour protester contre cette dernière, avant que la police ne tire des gaz lacrymogènes sur les manifestants, tandis que ces derniers prenaient d'assaut l'immeuble où se trouve le siège social de Zaman.
La solidarité des journalistes occidentaux
L'Union nationale des journalistes du Royaume-Uni a publié un message de solidarité avec Zaman.
«Nous sommes profondément préoccupés par la pression accrue mise sur le journalisme indépendant par l'utilisation de lois antiterroristes contre les journalistes turcs, les abus de la détention provisoire décidés par les autorités ou les attaques contre les médias eux-mêmes. Cela conduit à un climat de peur et d'autocensure chez certains journalistes. […] Nous allons continuer à soutenir ceux qui se dressent pour défendre le journalisme indépendant. La solidarité reste notre mot d'ordre», lit-on dans le communiqué.
Amnesty International a vu dans cet incident une volonté de faire taire la presse d'opposition. Andrew Gardner, le président d'Amnesty International en Turquie a déclaré «les médias indépendants sont les vrais garants du droit et d'une justice indépendante et libre et le président Erdogan veut les réduire à néant».
Il a aussi tweeté, «après les attaques contre la Cour constitutionnelle, la suppression du canal d'émission de la chaîne IMC TV, les rumeurs d'une reprise imminente de journal Zaman.»
Depuis plusieurs mois, les médias d'opposition turcs font l'objet d'une répression sans précédent. La semaine dernière, sur des allégations de «diffusion de propagande terroriste», les émissions de la chaîne IMC TV ont été stoppées en pleine interview de journalistes du quotidien national Cumhuriyet, actuellement en attente de leur procès.