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Dmitri Medvedev : la politique migratoire européenne est «un fiasco total»

A la veille de la Conférence sur la sécurité de Munich, le Premier ministre russe a accordé une interview au journal allemand Handelsblatt. Il a jugé sévèrement la politique migratoire de l’UE et répondu franchement à plusieurs questions.

Sur la politique migratoire européenne

Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a qualifié d’«échec total» la politique migratoire européenne. «Peut-être que ça ne plaît pas à mes collègues en Europe, mais je pense que la politique migratoire de l’Union européenne est un fiasco total. C’est très mauvais. On n’aurait pas pu l’imaginer il y a quelques années. Les analystes sont-ils si mauvais ? C’est un problème colossal. Honnêtement, les autorités de l’Union européenne l’ont provoqué elles-mêmes», a déclaré le politicien russe.

D’après ses dires, il n’était pas raisonnable de la part de l’Europe d’accueillir tous les migrants, une pique sans doute adressée à la politique migratoire d’Angela Merkel. «Ouvrir les portes de l’Europe en invitant tous ceux qui sont prêts à y venir, excusez-moi, c’est au moins une bêtise, pour ne pas être vulgaire», a regretté Dmitri Medvedev.

Sur la lutte contre Daesh

L’Occident ne veut pas communiquer avec la Russie pour lutter contre le terrorisme, ne veut pas créer de coalition avec la Russie et la coopération au niveau des ministères de la Défense ne revêt qu’un caractère temporaire, a encore précisé le Premier ministre russe.

Il a souligné que l’Occident refusait de partager ses cartes qui montrent «où se trouvent les soi-disant opposant modérés». Dmitri Medvedev a donné l’exemple de l’Afghanistan. «On nous a assuré pendant longtemps qu’il y avait de bons Taliban et de mauvais Taliban, alors, il faut être ami avec les bons et faire la guerre avec les mauvais. Et puis, les attentats du 11 septembre ont eu lieu. Tout cela est très compliqué. Ceux qui se disent modérés, ne sont modérés dans les faits. Mais nous sommes prêts à discuter tout cela. Il faut nous asseoir à une table mais nos partenaires l’évitent».

Sur la Syrie

Les estimations divergentes de l’action des hommes politiques ne peuvent pas être un prétexte pour s’ingérer dans les affaires domestiques d’un autre Etat, a encore précisé le Premier ministre russe.

«Peut-être que Bachar el-Assad n’est pas un idéal de démocratie, mais il aurait fallu attendre la tenue d’élections et non pas déclencher une campagne si violente», a indiqué Dmitri Medvedev. Pour lui, ce qui se passe en Syrie est une leçon de choses sur la façon de créer légèrement un problème qu’on ne peut résoudre ensuite que difficilement». «A un moment, nos collègues ont eu l’impression que Monsieur el-Assad se comportait mal. Je parle de nos partenaires aux Etats-Unis, certains de nos partenaires européens et une partie du monde arabe, notamment l’Arabie saoudite», a asséné sans détours Dmitri Medvedev.

La Russie est hostile à une potentielle opération terrestre en Syrie, de ses voisins comme des Etats-Unis. «Toutes les opérations au sol amènent à ce que la guerre devient permanente. Regardez l’Afghanistan et un nombre d’autres pays. Je ne mentionne pas déjà la pauvre Libye», a prévenu Dmitri Medvedev.

Sur l’URSS

L’Union soviétique n’était pas un modèle d’Etat optimal et personne n’entend la faire renaître, a déclaré le Premier ministre russe. Il se rappelle lui-même très bien de l’URSS, car il est né en 1965.

Dmitri Medvedev a également rappelé que l’Union soviétique n’avait jamais été un partenaire facile pour l’Europe, mais que jamais les dirigeants de son parlement n’avaient été déclarés personnae non-gratae. Dans le même temps, Dmitri Medvedev a rappelé la puissance de l’URSS et sa fermeté. Aucune sanction contre l’Union soviétique n’a pu la faire changer de position. «Les sanctions contre l’Union soviétique ont été imposées dix fois : dans les années 1920, 1930, 1940, 1950, 1970. L’Union soviétique a-t-elle changé ? Non !», a-t-il rappelé.

Sur la coopération russo-européenne et les sanctions

La Russie reprendra avec plaisir sa coopération avec l’Europe, si l’UE dégèle la coopération normale, a indiqué Dmitri Medvedev. Il a incité à «trouver du courage et à reconnaître que le temps est venu de lever les sanctions économiques». Cependant, la Russie attend «que ses homologues de l’Union européenne fassent le premier pas», a-t-il souligné.

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En évoquant les relations russo-allemandes, le chef du gouvernement russe a indiqué qu’elles «étaient malades et qu’un traitement était nécessaire. Les échanges entre la Russie et l’Allemagne ont baissé de 40% et de près de moitié avec l’UE. La solution ? C’est simple, estime Dmitri Medvedev : «Le rétablissement du dialogue et de la confiance».

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Sur la place de la Russie dans le monde

La Russie n’entend pas «gérer» le monde, mais elle doit occuper la place qui lui convient dans les relations internationales, estime Dmitri Medvedev. «Nous n’entendons pas assumer de rôle décisif dans la géopolitique. Celui qui essaie d’assumer un tel rôle, doit en répondre devant tout le monde, dire pourquoi les guerres commencent ou pourquoi des centaines de migrants marchent vers l’Europe», a tenu à préciser le Premier ministre russe.