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Tunisie : retour sur les plus importantes contestations sociales depuis la révolution de 2011

La tension est redescendue d'un cran samedi au lendemain d'une journée d'affrontements entre des centaines de manifestants et les forces de l'ordre dans des villes du centre tunisien. Ce nouveau mouvement de colère a débuté le 16 janvier dernier.

Face à la montée de la contestation populaire contre l'exclusion sociale et le chômage de masse, le Premier ministre Habib Essid a rencontré samedi 23 janvier les ministres de la Défense et de l’Intérieur. Il a présidé dans la journée un conseil des ministres extraordinaire.

Le chef de l'exécutif n'a annoncé aucune mesure à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire, appelant ses compatriotes à «comprendre qu'il y a des difficultés (...). Les solutions existent mais il faut un peu de patience et d'optimisme». Il a expliqué que le pays était «en danger malgré les choses positives que nous avons accomplies, surtout au niveau de la transition démocratique», en évoquant de nouveau les défis «sécuritaire, économique et social».

Un calme fragile est revenu en Tunisie alors qu'un couvre-feu nocturne a été décrété vendredi par les autorités après des manifestations qui ont dégénéré en actes de vandalisme.

La contestation fait tâche d'huile

Des postes de police, des dépôts de douane, des agences bancaires ou encore des magasins ont été visés et pillés alors que les mouvements de mécontentement se sont propagés de Kasserine à Sidi Bouzid, Bizerte, Sfax en passant par la capitale tunisienne, Tunis, et d'autres localités de la région.

Des voitures de police ont également été incendiées tandis qu'un policier a été tué à Feriana au sud de Kasserine, au cours de violents heurts, rapporte letemps.com.tn. Pour toute la journée et la nuit de vendredi, 261 personnes ont été arrêtées pour troubles et 84 pour violation du couvre-feu, selon le ministère de l’Intérieur.

C'est dans la ville de Kasserine, où vivent 80 000 habitants, qu'est partie la contestation le 16 janvier dernier quand Ridha Yahyaoui est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Agé de 28 ans, technicien supérieur en mécanique électrique, au chômage depuis cinq ans, il avait été mystérieusement rayé d'une liste de personnes devant être embauchées par le gouvernorat ce 16 janvier. Il avait participé à un sit-in au siège de l'institution en février dernier au côté du mouvement des chômeurs diplômés de la région. On lui avait alors promis la signature d'un contrat de travail qui s'est refusé à lui au dernier moment, sans raison.

Un accident qui met le feu aux poudres

«Mais, ce n’était que des faux espoirs. Nous n’avons ni pistons ni argent pour qu’il soit admis aux concours. Tout le monde sait comment ça marche dans ce pays. Même pour voir un responsable, nous sommes obligés de payer un pot de vin», s'est insurgé le père de Ridha, Othman Yahyaoui, peut-on lire sur nawaat.org.

En Tunisie, le taux de chômage est de 15 %. Il serait près du double chez les jeunes qui se sentent abandonnés par les autorités après avoir largement participé à la révolution de 2011 qui a abouti au départ de l'ancien chef d'Etat Zine el-Abidine Ben Ali. Au sein du gouvernorat de Kasserine, ce taux serait de 27%, selon le syndicat régional de l’enseignement supérieur, alors que la région a été classée 21ème sur 24 en termes d’attractivité économique en 2015 par l’Institut arabe des chefs d’entreprise.

L'inaction du gouvernement pointée du doigt

Vendredi soir, le président Béji Caïd Essebsi a jugé la contestation «naturelle» et appelé le gouvernement à élaborer un plan contre le chômage car «il n’y avait pas de dignité sans emploi», dans une allocution télévisée. «Nous n’avons pas de baguette magique pour donner de l’emploi à tout le monde en même temps», a indiqué le Premier ministre qui a rencontré vendredi à Paris le président François Hollande. Le gouvernement tunisien est au coeur des critiques et du mécontentement populaire pour son incapacité à réduire le nombre de chômeurs en Tunisie.

Le chef d'Etat français a annoncé vendredi un plan de soutien à la Tunisie d'un milliard d'euros sur les cinq prochaines années, visant «à aider les régions défavorisées et la jeunesse, en mettant l'accent sur l'emploi».

Cette contestation intervient alors que dans certaines régions rurales du pays, comme dans le gouvernorat de Siliana, l'implantation croissante de groupes islamistes extrémistes rend la vie des populations soumises au racket particulièrement difficile et participe au mécontentement général. 

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