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De partenaire à rival : Berlin veut rompre avec Pékin

Après deux décennies de coopération, l’Allemagne remet en cause sa relation économique avec la Chine. La montée en puissance des industriels chinois, l’afflux de produits à bas prix, un déficit commercial pouvant atteindre 88 milliards d’euros et la chute des parts de marché allemandes en Chine poussent Berlin à subir un tournant non anticipé.

Pendant vingt ans, l’Allemagne a joué la partition qui lui convenait parfaitement : elle fournissait les machines, les équipements et la technologie industrielle, tandis que la Chine se concentrait sur la production de biens finis destinés au reste du monde. La mondialisation faisait le lien, et chacun restait à sa place. Le duo semblait imbattable. Mais un tel équilibre ne tient que tant que les rôles ne se confondent pas.

Or, c’est précisément ce qui se produit aujourd’hui. La Chine ne se limite plus à assembler des produits avec des machines importées : elle conçoit et fabrique désormais ses propres équipements industriels, plus rapidement, à moindre coût et avec une qualité en nette progression, rapporte le Wall Street Journal. Et surtout, elle vient désormais chercher la valeur ajoutée là où l’Allemagne croyait être intouchable. Comme le souligne le quotidien américain, un partenariat autrefois quasi symbiotique s’est transformé en concurrence frontale, y compris en Europe.

Le résultat est un retournement idéologique qui, en Allemagne, frôle l’aveu d’échec. Le pays qui a longtemps prêché le libre-échange « sans entraves » commence à parler protection, barrières et clauses de préférence. Berlin a ainsi durci l’interdiction des composants chinois dans les réseaux mobiles et évoque désormais l’introduction de clauses « acheter européen » dans les marchés publics. Signe du changement d’époque, le Conseil national de sécurité, créé récemment, a consacré sa toute première réunion, en novembre, aux « risques stratégiques » liés à la « domination chinoise sur plusieurs minerais critiques » et planche déjà sur des options de diversification.

Les chiffres confirment cette inquiétude. Pour la première fois, l’Allemagne importe de Chine plus de biens d’équipement qu’elle n’en exporte. Le déficit commercial pourrait grimper à un record de 88 milliards d’euros. Les importations de composants automobiles chinois augmentent. Et, symbole autrement plus douloureux, la part des voitures allemandes sur le marché chinois a reculé de 50 % à 33 % en seulement deux ans.

Ce diagnostic n’est pas nouveau. Dès 2019, la Fédération des industries allemandes qualifiait la Chine de « concurrent systémique ». Cette année, la VDMA, fédération des fabricants de machines, dénonce une concurrence jugée « injuste » et réclame des mesures antidumping, voire des sanctions. « Libre-échange, oui, mais pas à n’importe quel prix », résume son président, cité par le Wall Street Journal