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La Chine, empire des robots : l’Occident face à une révolution silencieuse

En dix ans, la Chine est passée du rôle d’atelier mondial à celui de laboratoire technologique. Avec plus de deux millions de robots, soit 567 pour 10 000 travailleurs, elle a bâti une industrie automatisée, rapide et souveraine. Cette avance inquiète l’Occident, désormais spectateur d’une révolution qu’il n’a pas anticipée.

Les dirigeants d’entreprises occidentales qui reviennent de Chine ont tous le même regard : un mélange d’admiration et de stupeur, rapporte le 12 octobre The Telegraph. Dans les ateliers de l’empire du Milieu, la révolution industrielle du XXIe siècle s’accomplit sans bruit, sous la lumière froide des bras mécaniques. Ce qu’ils y découvrent dépasse leurs attentes et leurs inquiétudes.

Le quotidien britannique cite le directeur général de Ford, Jim Farley, qui, après avoir visité plusieurs usines automobiles, a confié que jamais il n’avait vu un tel degré d’innovation : des véhicules dotés de logiciels de conduite autonome, de systèmes de reconnaissance faciale, et surtout d’une qualité de fabrication à des coûts défiant toute concurrence. Selon lui, la Chine n’est plus seulement un rival : elle incarne désormais l’avenir de l’industrie mondiale.

Le constat est partagé bien au-delà du secteur automobile. Andrew Forrest, milliardaire australien et fondateur du groupe minier Fortescue, affirme avoir renoncé à produire lui-même des composants pour véhicules électriques après avoir observé les chaînes chinoises : des kilomètres de convoyeurs entièrement automatisés où les machines émergent du sol, s’assemblent, soudent, peignent et livrent un camion complet au bout du parcours – sans un seul ouvrier. Les visiteurs parlent de « dark factories », des usines plongées dans la pénombre, où la lumière humaine est devenue superflue.

La fin du « Made in China » d’autrefois

Cette mutation bouleverse le vieux cliché de la Chine atelier du monde, analyse The Telegraph. Finies les productions de faible qualité : place à une industrie d’excellence, fondée sur la robotique, l’intelligence artificielle et la précision. Ce changement d’échelle repose sur un effort colossal d’investissement public. Plus concrètement, Pékin a soutenu ses entreprises par des subventions, des crédits fiscaux et une politique assumée de remplacement de la main-d’œuvre par des machines, connue sous le nom de jiqi huanren, littéralement « remplacer les hommes par les robots ».

Les résultats sont spectaculaires. Selon la Fédération internationale de robotique, le parc industriel chinois est passé de 189 000 robots en 2014 à plus de deux millions en 2024. Rien qu’en 2023, 295 000 nouvelles unités ont été installées, contre 34 000 aux États-Unis, 27 000 en Allemagne et 2 500 au Royaume-Uni. Ce n’est pas seulement une question d’échelle démographique : la Chine détient aujourd’hui la plus forte densité robotique au monde, avec 567 robots pour 10 000 travailleurs, contre 449 en Allemagne, 307 aux États-Unis et 104 au Royaume-Uni.

Une domination visible sur les routes européennes

L’effet de cette avance se mesure déjà en Europe, poursuit le journal. Sur les routes britanniques, les voitures chinoises, longtemps tournées en dérision, connaissent un succès fulgurant. La marque BYD, basée à Shenzhen, a multiplié ses ventes de septembre par dix cette année, dépassant Mini, Renault et Land Rover. Leurs intérieurs raffinés, leurs prix compétitifs et la rapidité avec laquelle les modèles sont conçus séduisent les automobilistes européens.

D’après Mike Hawes, directeur général de la Society of Motor Manufacturers and Traders (SMMT), cité par The Telegraph, les constructeurs chinois parviennent à concevoir et à lancer de nouveaux modèles en deux fois moins de temps que la plupart de leurs homologues européens. Par conséquent, l’auteur de l’article souligne que cette rapidité d’exécution, soutenue par une maîtrise technologique désormais indiscutable, accentue l’écart entre la Chine et les industries européennes.